Après avoir décrit l’évolution de l’industrie d’armement depuis le début des années 90 et dressé le constat qu’elle reste divisée dans un marché étriqué où la puissance publique fait cruellement défaut, l’auteur propose des regroupements (holding) par métier, mais surtout revendique le retour de la puissance publique, et une meilleure utilisation des structures européennes, notamment l’AED.
L'Europe de l'armement ou les limites de la privatisation
Au cours des deux décennies, le paysage de l’industrie d’armement en Europe s’est transformé de manière radicale. Initialement dominée par des préoccupations d’intérêt national, la politique des États, ainsi que celle des firmes, s’est « libéralisée » sous le double effet de la pression des idées favorables à l’ouverture des marchés et de la volonté politique d’œuvrer à la construction de l’Europe de l’armement par le jeu de la coopération et de la formation de pôles d’entreprises transnationaux.
Par ailleurs, la diminution des moyens alloués à la Défense (1) a précipité le mouvement des restructurations industrielles. La situation créée par cette diminution de ressources a en effet entraîné un ralentissement de la commande nationale et a poussé les firmes à rechercher, par le biais de la sous-traitance et de la coopération, des modes d’organisation de production démultipliés — c’est-à-dire en fait délocalisés — de manière à pouvoir profiter de conditions de coût plus avantageuses en Europe ou hors d’Europe.
Ainsi, l’industrie européenne de l’armement, considérée au départ comme une activité de souveraineté limitée aux trois ou quatre États européens dominants, s’est-elle progressivement recomposée pour constituer un réseau étendu à une part plus large du territoire de l’Union. Si ce réseau reste toujours centré sur les trois « majors » Royaume-Uni, France et Allemagne (avec des volumes de dépenses annuelles d’équipements, pour chacun, de l’ordre de 4 à 6,5 Md€), il s’est rapidement élargi à un premier cercle formé de l’Italie et de l’Espagne (dépensant annuellement chacun de 1,5 à 2,5 Md€) avec lequel les relations industrielles sont maintenant bien consolidées, puis progressivement à de nombreux autres pays membres de l’UE (y compris de nouveaux admis, tels que la Roumanie et la Bulgarie), en tête desquels se situent les Pays-Bas, la Suède, la Grèce, la Tchéquie et la Pologne. En effet, ces pays disposaient de capacités industrielles dans le secteur de l’armement pouvant être mises en relation avec leurs homologues britanniques, allemandes ou françaises (2).
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