La Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) n’est plus un grand chantier européen intergouvernemental strictement promu et contrôlé par les gouvernements, mais une politique européenne qui se pratique au quotidien, essentiellement à Bruxelles. Au fil de ce processus, la Commission européenne et le Parlement européen ont commencé à s’immiscer dans la mise en œuvre de cette politique, tandis que les institutions bruxelloises plus directement en charge de la PESD opèrent à leur pleine mesure. Ces évolutions ne sont pas sans conséquence sur la façon dont peut ou doit s’exprimer l’influence d’un État comme la France sur cette politique.
La PESD dix ans après : vers une politique européenne comme les autres ?
Dix ans après son lancement, la PESD est encore généralement perçue comme une politique intergouvernementale par excellence : chefs d’États et de gouvernement (à travers le Conseil européen) et ministres (à travers les formations concernées du Conseil de l’UE et leurs structures permanentes à Bruxelles) sont censés en être les moteurs et acteurs exclusifs, tandis que des institutions communautaires comme la Commission ou le Parlement européen en sont totalement exclues. Si cette vision est encore valable pour certains aspects ou étapes du développement de la PESD, force est de constater qu’en dehors des « temps forts » de cette politique et de quelques sujets politiques des plus sensibles, sa pratique a considérablement évolué. Une normalisation de la PESD est à l’œuvre, la faisant progressivement évoluer vers une politique européenne « comme les autres », où Commission européenne et Parlement européen (PE) sont actifs avec des circuits décisionnels beaucoup plus complexes qu’en apparence, ce qui n’est pas sans implication sur la façon dont doit ou peut s’exercer l’influence d’un État comme la France sur cette politique.
La Commission européenne, le Parlement européen et la PESD : de l’exclusion à l’immixtion ?
La PESD et les questions de politique étrangère, de sécurité et de défense plus largement sont le plus souvent présentées comme « hors champ » pour la Commission européenne et le Parlement européen. Nuancer ce constat est aujourd’hui nécessaire au regard de plusieurs évolutions, récentes ou envisagées, de la pratique et du contenu des relations extérieures de l’UE, de la Pesc et de la PESD.
La Commission européenne, acteur indirect de la PESD ?
La porosité des frontières entre les relations extérieures et les politiques de coopération et de développement, du ressort traditionnel de la Commission, et les questions de sécurité et de défense, du ressort traditionnel du Conseil, doit être prise en compte en premier lieu. Un double mouvement de « sécuritarisation » des relations extérieures gérées par la Commission, et de « civilianisation » des questions de défense menées par les États membres et les structures permanentes du Conseil est en particulier à relever. La Commission, via les directions générales (DG) relations extérieures (Relex), développement (Dev) et l’office de coopération (Europe Aid), intervient dans des domaines qui sont proches, voire superposés à certains enjeux et contenus de la PESD. Ainsi la Commission participe-t-elle à des programmes de lutte contre la prolifération des armes légères, de soutien à la consolidation des capacités des organisations régionales et sous-régionales dans le domaine de la sécurité et de la défense, ou à la reconstruction post-crise et post-conflit. Cette extension du champ de compétence de la Commission provoque parfois des tensions ou chevauchements avec les structures du Conseil plus directement en charge de la Pesc-PESD, rappelant que la question, « Où s’arrêtent les relations extérieures et la politique de coopération et de développement et où commence la PESD ? » demeure pertinente, et invite à intégrer la Commission comme l’un des acteurs de la Pesc et de la PESD. Car dans le même temps, l’accent grandissant mis sur la gestion civile des crises (et de leur prévention) et les aspects non-militaires de la PESD (le « S » de PESD), fait appel à d’utiles financements communautaires intégrant la Commission dans le jeu de la PESD (1). Dans le domaine plus précis des industries de défense, la Commission a aussi vu son rôle s’affirmer ces dernières années, autour de la problématique de la dimension « défense » de la consolidation du marché intérieur européen et du maintien d’une base industrielle et technologique de défense européenne. Enfin, les implications du Traité de Lisbonne, concernant notamment la mise en place d’un Service commun d’action extérieure (SCAE) englobant les structures de la Commission et celles du Conseil sont à prendre en compte, même si elles demeurent difficiles à évaluer, faute d’informations fiables sur leurs conditions d’application.
Il reste 79 % de l'article à lire
Plan de l'article