Dans la Corne de l’Afrique, autour d’un centre de gravité somalien, irradié par les enjeux liés aux routes commerciales et énergétiques, interfèrent de nombreuses tensions : des antagonismes historiques issus d’une structure sociale « bello-centrée », un effondrement étatique vecteur de guerre civile, des mouvements islamistes, un flux djihadiste, des pirates, des rivalités étatiques régionales, des soutiens étatiques exogènes, des manœuvres géopolitiques américaines, l’ensemble sur fond de lutte contre le terrorisme. C’est ce nœud de conflictualité qui est présenté ici ainsi que sa prise en compte dans la stratégie américaine.
La Corne de l'Afrique : un carrefour stratégique
Sur l’axe du canal de Suez et à proximité de la route moyen-orientale de l’énergie, la Corne de l’Afrique fait face à un Yémen en lutte contre des islamistes et à une Arabie saoudite porteuse de tentations islamistes (1) et détentrice des plus importantes réserves mondiales de pétrole. Dans cet espace, le Soudan, au ban de la communauté internationale en raison de la crise du Darfour, abrite des groupes bienveillants à l’égard de l’islamisme (voire du terrorisme). L’Érythrée et l’Éthiopie entretiennent de vives tensions après s’être affrontées durant deux guerres. L’Éthiopie, chrétienne, a des rapports tendus avec ses voisins musulmans, en particulier la Somalie. La Somalie est un État failli, où guerre civile, islamisme et piraterie présentent un fort potentiel de connexions et d’émulation. Enfin, bien que peu islamisé, le Kenya est exposé au risque terroriste. Le résultat de ces réalités est un nœud d’interpénétrations et d’interactions des rapports de force, entre enjeux mondiaux, régionaux, nationaux et locaux.
Le patrimoine conflictuel somalien
La Somalie repose sur cinq confédérations claniques, subdivisées en clans, eux-mêmes subdivisés en sous-clans, puis en sous-groupes, puis en familles. Elle compte environ 10 millions d’habitants, à 98 % somalis et à 99 % musulmans sunnites pour une superficie d’environ 637 000 km2.
Dans une société atomisée par les séquelles de la colonisation et du socialisme, la fin de la bipolarité et du soutien américain provoque la chute de la dictature et conduit à l’instauration du chaos. Dans le monde devenu unipolaire, les États-Unis s’attellent, derrière le discours humanitaire de l’opération Restore Hope (1993), à se réimplanter en Somalie, pour investir la position stratégique du golfe d’Aden, et tenter de fixer une tête de pont en direction des importantes ressources africaines. Mais le changement du rapport à la violence des sociétés occidentales contraint Washington à se retirer de Somalie après la perte de 18 soldats, en octobre 1993.
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