De retour d’Afghanistan où il exerçait la fonction de conseiller juridique du commandement Fias (Force internationale d’assistance à la sécurité) de la région de Kaboul, l’auteur décrit le désenchantement grandissant vis-à-vis de la présence occidentale, en dépit de tous les efforts consentis. Le relâchement du soutien de l’autorité afghane risque d’être le prix à payer pour les errements actuels, si la communauté internationale ne révise sérieusement les modalités de sa coopération avec l’Afghanistan.
Afghanistan : une inconfortable situation
Au terme de plus de huit mois comme conseiller juridique (Legad – legal advisor) du général commandant le Regional Command Capital (RCC), les quelques impressions de séjour qui suivent ne constituent pas un retour d’expérience au sens militaire du terme. Elles reposent sur les réflexions développées de fin juillet 2008, date d’arrivée au camp Warehouse, dans la périphérie de Kaboul, à début avril 2009, date de départ. Elles bénéficient, en outre, de la mémoire de « l’ouverture de théâtre », entre décembre 2001 et avril 2002, comme Legad du PC de force français et assistant militaire du commandant de la force internationale d’assistance à la sécurité, la Fias ou ISAF (International Security Assistance Force).
Entre ces deux périodes, le tableau a profondément changé. D’une part, la zone responsabilité (AOR – Area of responsability) s’est étendue de la seule zone de Kaboul à l’ensemble de l’Afghanistan (1) et le commandement de la Fias a été transféré à l’Otan. D’autre part, et surtout, alors que l’arrivée des forces le 20 décembre 2001 était celle de libérateurs, dans une ambiance d’espoir et de renouveau d’un pays sinistré, le séjour 2008-2009 se déroula dans le doute et le repli sur soi. Les mesures de sécurité sont aujourd’hui telles qu’elles isolent le militaire, réduit dans bien des cas aux spéculations de la presse pour apprécier l’impact réel d’une présence qu’une opinion de plus en plus critique assimile souvent à une occupation. « Les nouveaux Soviétiques », tel serait le slogan le plus récent, utilisé par les insurgés pour désigner la force multinationale déployée.
Qu’en est-il en réalité ? Le bilan affiché par la communauté internationale est-il si négatif qu’il doive susciter en retour un rejet hostile ? Le comportement de la force apparaît-il vraiment critiquable ? N’y a-t-il pas au fond, malgré l’importance des moyens déployés, et si l’on fait la part de l’inévitable dramatisation consubstantielle aux analyses médiatiques, un véritable décalage entre les intentions, le discours et les actes en Afghanistan ? En se limitant aux observations effectuées dans la province de Kaboul, à travers la modeste lorgnette du juriste, les réponses à ces trois questions seront examinées successivement.
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