L’auteur risque dans cette réflexion l’opinion que la dissuasion nucléaire, pour avoir profondément changé, est aujourd’hui tout aussi pertinente qu’hier ; que, si ses points d’application et donc ses modalités changent, son utilité demeure ; qu’elle est, en un mot, aussi – et peut-être plus – nécessaire aujourd’hui et pour le futur prévisible qu’hier, mais que la question de l’utilisation des armes nucléaires doit se renouveler en profondeur, notamment par une réflexion sur les caractéristiques futures des armes nucléaires et leur doctrine d’emploi ; sur l’articulation entre l’exercice de la dissuasion nucléaire et la mise en œuvre des forces conventionnelles d’une part, et la défense antimissiles d’autre part ; sur la question de la dissuasion élargie, enfin, du fait des circonstances à la fois plus variées dans lesquelles elle s’exerce et de l’absence de structures comparables à celles qui existaient du temps de la guerre froide pour en formaliser les conditions.
La dissuasion nucléaire : permanence et changements
Nuclear deterrence-the permanent and the changing
Nuclear deterrence, though much changed, is as relevant today as ever. If its material and manner of application have evolved, its usefulness has not and it is, in a word, just as necessary today as it ever has been—perhaps more so—and will remain so for the foreseeable future. Nevertheless, the question of employment of nuclear weapons needs to be thoroughly reviewed, with emphasis on the characteristics that future nuclear weapons should have and the doctrine for their use. The balance to be struck between nuclear deterrence and deployment of conventional forces on one hand, and missile defence on the other, is also discussed, as is deterrence in a broader sense—how it might operate in a variety of circumstances, given the absence of structures comparable to those of the Cold War era, and how to formalise the conditions.
La dissuasion nucléaire n’était plus, jusqu’à une date récente, un sujet de conversation à la mode : la chute du mur de Berlin, la dislocation de l’URSS, l’émergence des « guerres asymétriques » et du terrorisme comme paradigme du conflit armé dans les dernières années du XXe siècle et les premières du XXIe faisait, selon les « nouveaux penseurs stratégiques », de la dissuasion nucléaire au mieux un concept démodé, au pire une vieillerie dangereuse. Et pourtant…
La dissuasion reste aujourd’hui tout aussi pertinente qu’hier
La dissuasion est aussi vieille que l’homme lui-même. Elle est fondée sur un ensemble de déterminants constants du comportement humain, quels que soient les âges, les civilisations, les croyances et les systèmes politiques, dont le principal est qu’avant d’agir, les hommes et les gouvernements prennent en compte les conséquences probables de leurs intentions et de leurs actes. De ce fait, ils tendent en général à s’abstenir d’actions dont les conséquences négatives pour eux-mêmes, la cause qu’ils soutiennent ou les intérêts qu’ils défendent, risquent d’excéder les avantages qu’ils en retireraient. En d’autres termes, pour reprendre le langage de la théorie des jeux, la dissuasion est fondée sur un calcul coût-avantage (1).
Ce qui rend la dissuasion nucléaire si particulière sont les caractéristiques intrinsèques des armes nucléaires (2). La capacité de destruction des armes nucléaires est telle que, pour se prémunir de leurs effets, seule une protection parfaite pourrait garantir que le calcul coût-avantage de l’agresseur pencherait en faveur du deuxième terme de l’équation ; or la perfection n’est, par définition, pas de ce monde.
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