Revues étrangères - Préoccupations opérationnelles en Espagne et au Portugal
Le numéro 255 de septembre 2009 de la Revista española de Defensa permet de faire un point de situation sur les préoccupations opérationnelles de l’Espagne à l’issue de l’été. De fait, comme pour les principaux partenaires de l’Otan, c’est bien la question afghane qui domine le débat à Madrid. La décision la plus importante a été prise le 23 septembre avec un vote quasiment à l’unanimité de la commission de défense du Parlement autorisant l’augmentation du contingent espagnol dans ce théâtre. Les Cortes ont approuvé l’envoi de 220 soldats supplémentaires, faisant passer les effectifs de 778 à 998 militaires présents sur le sol afghan.
Lorsque l’Espagne avait engagé ses forces en janvier 2002, le contingent était alors de 450 soldats. En huit ans, 12 700 Espagnols se sont succédé avec une augmentation croissante des moyens déployés pour répondre à la tension qui n’a cessé de grandir. Au départ, l’opération se situait dans la prolongation des interventions dans les Balkans avec l’éloignement et le dépaysement en plus. Aujourd’hui, le durcissement du conflit a obligé Madrid à renforcer ses unités avec des drones et des hélicoptères du type Cougar. C’est ainsi qu’il a fallu acheter de nouveaux véhicules blindés du type Lince plus résistants aux IED et qui ont été déployés directement en Afghanistan. À partir du premier semestre 2010, le détachement espagnol contribuera également à la formation d’unités de l’Armée nationale afghane.
Ce conflit a ainsi été le thème du 17e Cours international de défense de Jaca, organisé conjointement par l’Académie générale militaire et l’université de Saragosse. La cité pyrénéenne accueille chaque été un séminaire de haut niveau avec les meilleurs spécialistes espagnols mais aussi de la communauté stratégique internationale pour discuter et échanger autour des thèmes essentiels de la défense. Cette année, les experts se sont donc exclusivement consacrés à l’Afghanistan pour souligner que la seule option militaire ne permettrait pas de résoudre un conflit particulièrement complexe et aux racines anciennes. De plus, il faudra encore beaucoup de temps avant d’arriver à une situation sécuritaire permettant alors un développement économique au profit des populations. Pour le Secrétaire général de la politique de défense, Luis Cuesta Civis, la participation espagnole aux opérations de l’Otan a pour objectif de parvenir à « un pays sûr, stable, démocratique et prospère ». La tâche à accomplir reste immense.
L’opération Atalanta, au large de la Somalie, est également l’une des opérations majeures auxquelles participent les forces espagnoles et, en particulier, la Marine. Madrid se préoccupe très sérieusement de la lutte contre la piraterie d’autant plus que ses navires de pêche font l’objet d’attaques régulières. C’est ainsi que le thonier Alakrana, un navire de 104 mètres de longueur, avec un équipage de 36 hommes, a été capturé le 2 octobre. Depuis, les 16 bateaux de pêche espagnols opérant dans l’océan Indien, embarquent, avec l’accord des autorités madrilènes, des gardes privés d’une société de sécurité espagnole. Ces gardes ont d’ailleurs été transportés par un Boeing 707 de l’Armée de l’air espagnole et sont armés avec des fusils-mitrailleurs de 7,62 mm et des fusils d’assaut de 5,56 mm. Il n’est d’ailleurs pas exclu que les chalutiers reçoivent des mitrailleuses de 12,7 mm.
L’implication croissante de Madrid dans cette région troublée se fait parallèlement au désengagement au Kosovo. La revue évoque ainsi le retour définitif du contingent espagnol réalisé à la mi-septembre. Depuis une décennie, environ 22 000 soldats y ont séjourné et 9 d’entre eux y ont laissé la vie. La base espagnole, qui était installée dans le Nord-Ouest du Kosovo, sera rétrocédée à la municipalité d’Istok avec des projets de transformation en écoles et en parc industriel. Les installations sanitaires militaires seront, quant à elles, transformées en centre médical.
La rentrée de septembre voit donc l’accroissement de l’engagement militaire de Madrid autour des deux théâtres que sont l’Afghanistan et l’océan Indien avec comme corollaire une prise de risques accrue. Jusqu’à présent, l’opinion publique y est favorable.
Le n° 2493 de la Revista Militar évoque au final les mêmes préoccupations portugaises que celles évoquées par leur voisin ibérique. La piraterie maritime au large de la Somalie pose le problème de l’avenir de ce pays et le capitaine de frégate Nuno Sardinha Monteiro estime qu’il s’agira d’une question récurrente tant que la communauté internationale n’envisage pas une action de « reconstruction » (state building) au profit de la région. Toutefois, le manque de volonté politique ne milite pas en cette direction. Le Portugal, petit pays, participe cependant avec ses moyens aux opérations de l’Otan et de l’UE en océan Indien. La priorité de Lisbonne est de participer à la protection des navires du Programme alimentaire mondial et de ceux naviguant dans cette région, en privilégiant l’action navale.
Par ailleurs, pour répondre aux besoins opérationnels de l’Otan, une augmentation des effectifs sur le théâtre afghan est envisagée à court terme avec au total 170 soldats déployés. ♦