L’auteur dresse un panorama contrasté des problématiques actuelles au Proche et Moyen-Orient, espace en pleine recomposition. La capacité de pression politique, policière et militaire du Hezbollah sur les échiquiers libanais et proche oriental, l’incontestable affirmation régionale de l’Iran, l’instabilité au Sud de l’Arabie Saoudite, les difficultés en Afghanistan, l’incapacité du Pakistan à gérer ses zones tribales constituent autant d’enjeux que doivent relever les acteurs internationaux engagés dans la région.
Acteurs et enjeux du Proche et Moyen-Orient
Actors and issues in the Middle East
The author outlines the varied panorama of current problems in the Middle East, a region undergoing great changes. The ability of Hezbollah to exercise political, military and public order pressure on the Lebanese chessboard and its region, Iran’s evident regional assertiveness, Saudi Arabia’s instability and the inability of Pakistan to control its tribal areas are all issues which demand the attention of the international actors involved in the region.
La balkanisation du Proche et du Moyen-Orient est en cours depuis des décennies. Cette dynamique, sous-tendue par les irrédentismes palestinien, kurde, tchétchène baloutche, pachtoune et activée par l’islamisme sunnite et chi’ite avec le terrorisme comme corollaire, est vue comme une arme à double tranchant de la politique étrangère des États-Unis que Zbigniew Brzezinski a baptisée « Arc de crise et Ceinture Verte ». L’influence iranienne dans la zone Sud, et chiite, de l’Irak a été considérablement renforcée par le démembrement américain de l’Irak au point que Téhéran fut un acteur influent des négociations qui conduisirent à la signature, en décembre 2008, de l’accord irako-américain organisant la présence de troupes américaines jusqu’en 2011. La création d’une région kurde autonome, voisine des très instables Kurdistan turc et iranien, est exemplaire de cette propagation de la balkanisation à partir de l’Irak. Les buts de cette stratégie sont variés : affaiblir les principaux pays membres-fondateurs de l’Opep (Iran, Irak, Arabie saoudite), voire détruire ce cartel ; contenir la puissance russe et contourner le verrou qu’elle constitue pour l’accès aux ressources énergétiques des pays d’Asie centrale par les compagnies pétrolières américaines ; affaiblir la puissance chinoise par une prise de contrôle de ses accès aux ressources pétrolières du Moyen-Orient et d’Asie centrale et par la sensibilisation à l’activisme islamique de la population de tradition musulmane qui peuple l’Ouest de la Chine, voisin de l’Afghanistan et du Pakistan. Même le Hezbollah est un acteur de cette reconfiguration.
L’ambiguïté de la position du Hezbollah
Fort de sa milice et de son arsenal, le Hezbollah bloqua, cinq mois durant après les élections législatives du 7 juin 2009, la formation du gouvernement libanais en s’abritant derrière les appétits ministériels de son allié, le général chrétien maronite Michel Aoun, chef du Courant patriotique. Vaincu sur la scène des peurs et marchandages électoraux, le Hezbollah, champion incontestable de la communauté chi’ite, obtint la constitution d’un gouvernement d’union nationale et imposa deux ministres hezbollahi aux partis de la majorité parlementaire pro-occidentale. Véritable parti-État au sud du Liban et à Beyrouth, pièce maîtresse de l’Iran, entretenant des rapports étroits avec la Syrie, légitimé par sa résistance à Israël et le prétexte islamiste qu’il offre en retour à l’État hébreu pour geler toute solution, le Hezbollah conserve intacte sa capacité de pression politique et militaire sur les échiquiers libanais et proche-oriental au moment même où l’Iran négocie, pied à pied, avec les cinq membres du Conseil de sécurité plus l’Allemagne, la question de l’enrichissement de son uranium.
L’Étranger avait pourtant tout fait pour affaiblir la position du Hezbollah à l’approche des élections du 7 juin. L’Égypte annonça le démantèlement d’un réseau hezbollahi de fourniture d’armes au Hamas ; le Spiegel du 23 mai mettait en cause le mouvement chi’ite dans l’assassinat du président du conseil libanais Rafic Hariri ; l’Azerbaïdjan ouvrit le 27 mai, à Bakou, le procès de deux cadres du Hezbollah accusés d’avoir préparé un attentat contre les ambassades américaine et israélienne avec la complicité d’azerbaïdjanais et des Pasdarans ; Israël organisa, du 25 mai au 4 juin, des manœuvres militaires et civiles générales médiatisant une préparation active à l’inévitable guerre contre le Hezbollah. Puis ce fut l’accalmie. Ce même 4 juin 2009, au Caire, à l’université d’Al-Azhar, intervint le discours de Barak Obama, qui, au nom de la liberté de religion, appela à soutenir la richesse de la diversité religieuse qu’incarnent notamment les Maronites au Liban et que le Hezbollah, sans être nommé mais subtilement dépeint comme un parti totalitaire, menacerait. Le vice-président Joe Biden et le président Obama déclarèrent même, à la veille des élections, que ce parti une fois au pouvoir ne pourrait prétendre à l’aide financière des États-Unis en faveur du Liban. Il est vrai que l’impact électoral de telles interventions extérieures avait été, involontairement pourrait-on supposer, facilité par Hassan Nasrallah. Secrétaire général du Hezbollah, il avait, dans son discours du 15 mai 2009, profondément choqué les autres communautés jusqu’aux sunnites appartenant à l’opposition qu’il chapeaute, en revendiquant l’action du 7 mai 2008 à partir duquel ses miliciens avaient, lors d’attaques meurtrières, détruit dans les quartiers sunnites de Beyrouth des locaux du Courant du futur de Saad Hariri. Principal parti sunnite de la majorité gouvernementale celui-ci avait décidé de démanteler le réseau parallèle de communication du Hezbollah. L’armée, composée à 30 % de chi’ites et dirigée alors par le général Michel Sleiman, actuel chef de l’État, était prudemment restée l’arme au pied. La déclaration du 25 mai 2009 de Mahmoud Ahmadinejad avait également ajouté au trouble par l’annonce d’un bouleversement de la région si l’État du Liban gouvernait dans le sillage de l’Iran. Nous en avons peut-être confirmation plus au Sud où les rebelles zaydites (chi’ites du Yémen) que l’aviation saoudienne a commencé à bombarder, dès le 4 novembre 2009, suscitent par leurs actions, une montée en tension avec le royaume saoudien qui tombe à point pour l’Iran, soumis à la pression occidentale.
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