À travers certains moments clés de la constitution de la force de frappe et de son utilisation diplomatique, l'auteur entend souligner à quel point la hardiesse des décisions conjuguée à un esprit de résolution clairvoyant constitue le socle nécessaire d'une politique de défense de stature internationale bâtie sur le long terme.
Volontarisme du programme nucléaire français
The power of the will and the French nuclear programme
Using certain key episodes in the development of the French nuclear deterrent as examples, the author illustrates the extent to which boldness of decision-making, combined with far-thinking and resolute vision, is the foundation of any international defence policy built for the long term.
On prête à Clausewitz (Théorie de la grande guerre, tome I, chap. 6) une subtile distinction entre la hardiesse et l’esprit de résolution. La hardiesse, fonction de l’instinct, joue un rôle primordial dans le système dynamique des forces parce qu’elle fait contrepoids à la circonspection qui confine parfois à l’hésitation et à la crainte, deux facteurs de perte d’équilibre. L’esprit de résolution se distingue par la pression exigeante de circonstances extérieures à l’origine d’actions hardies, le but ne pouvant être atteint en réalité que par la conjonction de la volonté, de l’énergie et de la persévérance.
La conquête de l’atome civil et militaire représente certainement une des grandes aventures scientifiques et politiques de la France au siècle dernier. Peut-on discerner certains moments clefs de la constitution de la composante navale de la force de frappe où hardiesse et esprit de résolution ont innervé l’ensemble du projet ? Les leçons qu’il pourrait paraître souhaitable de tirer de ces épisodes appartiennent-elles définitivement au passé ou peuvent-elles donner matière à réflexion dans le cadre des relations internationales contemporaines ?
De quelques moments clés de l’aventure atomique française
La création du Commissariat à l’énergie atomique
Y a-t-il moment plus fondateur que celui de la promulgation du décret et de l’ordonnance créant en octobre 1945 le Commissariat à l’énergie atomique ? Averti lors d’un passage à Ottawa en juillet 1944 par les atomiciens Jules Guéron, Pierre Auger et Bertrand Goldschmidt de l’imminente apparition des armes atomiques, le général de Gaulle donne son feu vert le 26 mai suivant à la création du CEA demandée avec véhémence par son ministre Raoul Dautry : ce doit être une équipe scientifique placée sous l’autorité de Frédéric Joliot-Curie, seul savant selon Dautry capable de maîtriser le problème. En ce sens, la destruction d’Hiroshima et de Nagasaki n’a fait que hâter la rédaction du décret et de l’ordonnance.
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