Pages d'histoire - Léonard de Vinci, ingénieur militaire
Parmi les visiteurs du Musée du Louvre, qui admirent la Joconde, le Saint Jean et la Vierge aux Rochers, combien y en a-t-il qui imaginent que cet incomparable artiste considérait son œuvre peinte comme la moins importante part de ce qu’il a réalisé, et surtout de ce qu’il a rêvé de réaliser dans le cours de sa vie ? À nous, Léonard de Vinci apparaît comme un homme aux curiosités inépuisables, plongé dans des recherches sans fin, s’appliquant à l’étude de toutes les sciences, anatomie, hydraulique, astronomie, énergétique, et qui, tout occupé qu’il était à fabriquer des outils magnifiques et singuliers, à lire des traités de sciences ou de philosophie, trouvait encore le temps de peindre ces chefs-d’œuvre, les seules choses qui subsistent, d’ailleurs, de toutes les activités dans lesquelles s’est épanouie et éparpillée cette extraordinaire existence.
C’est un des traits particuliers du caractère des hommes de la Renaissance que cette conviction qu’ils ont que l’homme n’est rien s’il n’est complet et s’il ne connaît tout ce qui se peut savoir. Cette ambition, qui serait absurde aujourd’hui, se justifiait à cette époque où il était matériellement possible, en effet, de disserter, comme le faisait Pic de la Mirandole, de toutes les choses connaissables. Léonard de Vinci, lui aussi, a voulu connaître tout ce qu’il était possible d’apprendre, et, davantage encore, il a voulu augmenter et étendre d’une façon considérable le domaine du connaissable. Il s’est lancé, avec une splendide témérité et une ardeur consciente de sa puissance et de son génie, dans les domaines inexplorés des sciences naturelles, et, conduit par une prodigieuse intuition, il a réalisé ainsi quelques inventions que seuls les siècles suivants retrouveront et appliqueront. Il fait figure de pionnier et de défricheur dans toutes les contrées du savoir où il a porté sa curiosité inapaisable.
Si tentant que soit ce sujet, Léonard homme de science et inventeur, nous n’avons pas le loisir de le traiter ici, car il déborderait inévitablement le cadre de ce bref essai. Je voudrais donc me borner à examiner aujourd’hui une seule des activités de Vinci : celle de l’ingénieur militaire, du constructeur de fortifications, de l’inventeur de machines de guerre. Dans ce domaine aussi, il est prodigieusement en avance sur son temps, et l’on peut dire qu’il a découvert, le premier, des possibilités, dans l’art militaire, insoupçonnées de ses contemporains et qu’il a devancé les siècles futurs, en construisant, ou du moins, en pensant et en élaborant dans son esprit, des mécanismes aussi neufs que le sous-marin, le char d’assaut, la mitrailleuse.
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