Chacun voit bien la nécessité de règles d’engagement, notamment pour des opérations multinationales de crise. Elles ne sont pourtant pas la panacée et le militaire dispose aussi dans son paquetage éducatif de ressorts éthiques et tactiques pour gérer la complexité du terrain et subjuguer son adversaire.
ROE et tactique : l'honneur au secours de la complexité
ROE and tactics: honour to the rescue of complexity
The need for rules of engagement (ROE) is generally accepted, especially for multinational crisis-management operations. General Yakovleff reminds us that they are no universal panacea, and that the military, in its training packages, already possesses the ethical and tactical resources needed to manage the complexity of the terrain and to subjugate its adversaries.
Il est trivial de dire que la guerre d’aujourd’hui est complexe et ambiguë, et que le soldat qui la mène est de plus en plus encombré de contingences qui l’empêchent d’atteindre la victoire. Au premier chef de ces contingences, les Rules of Engagement (ROE) sont souvent citées par les combattants comme une contrainte lourde au point d’en être incapacitante. Elles pervertissent le jugement tactique en introduisant des considérants juridiques décorrélés de « la vraie guerre ». Elles favorisent l’ennemi qui, en guerre asymétrique, n’est soumis à aucune de ces contraintes. Bref, que la guerre serait facile, et par implication, gagnable, si les juristes oubliaient d’embêter les militaires et les laissaient faire à leur guise !
Cette vision est simpliste. La guerre a une dimension morale dont une armée occidentale ne peut faire abstraction. La façon dont elle est menée ou subie exerce une profonde influence sur le moral de la troupe, avec de très graves et durables conséquences institutionnelles. Dans la guerre limitée d’aujourd’hui, le but est moins de vaincre que de convaincre. Il ne s’agit plus de détruire l’ennemi, mais de le neutraliser, de le soumettre, voire de le rallier. La guerre totale, paroxystique, sans restriction, est pire qu’une horreur : une absurdité.
Ramener la violence dans le domaine du soutenable par des règles d’engagement et autres dispositifs juridiques ou matériels est un impératif que le soldat peut comprendre mais auquel il a du mal à adhérer, tant son expérience propre, faite de violence, de peur et de chaos diverge des belles constructions intellectuelles et juridiques qui lui imposent leurs contraintes. C’est en élevant le débat au-dessus du niveau juridique, en le plaçant au niveau moral, que le soldat trouvera un sens à son action, y compris dans ses limitations. Les anciens, qui se souciaient moins de réglementer que nous, avaient créé un concept englobant, justifiant à la fois l’emploi raisonné de la force et ses limites : l’honneur militaire. Au niveau du combattant, le sens de l’honneur est la plus sûre des garanties que l’action militaire restera conforme au but poursuivi et aux limitations fixées par le politique. C’est aussi un outil plus flexible, dans l’incertitude et l’ambiguïté.
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