Une version détaillée d’un épisode contesté : la réalité et la destination des armes nucléaires de Saddam Hussein.
Retour sur les armes nucléaires irakiennes
Iraq’s nuclear weapons
A detailed explanation of a controversial episode: the reality and the destination of Saddam Hussein’s nuclear weapons.
À la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001, les États-Unis ont décidé de créer une commission d’enquête par la loi publique 107-306 du 27 novembre 2002. Cette commission, composée de dix sénateurs, cinq de la tendance démocrate et cinq de la tendance républicaine, le président étant démocrate, a établi un rapport final de 604 pages, publié par Norton en juillet 2004. Ce monumental travail d’investigation, d’analyse et de suggestions pour le futur semble avoir été assez peu exploité en France. À titre d’exemple, on peut en effet lire dans le numéro de mai 2010 de la Revue Défense Nationale les interrogations de M. Antoine Sfeir et je cite : « Pourquoi les Américains sont-ils intervenus en Irak ? Aucune réponse claire n’a été apportée… Aucune des explications existantes n’est satisfaisante. L’Irak de Saddam Hussein détenait des armes de destruction massive ? On les cherche encore ! ». Non ! Qu’on se rassure. On ne les cherche plus, car on sait où elles sont et il est difficile d’aller les chercher.
On a cependant parlé à tort et à travers des « armes de destruction massive » que l’Irak détiendrait ou, si l’on veut prendre la position antagoniste, qu’il ne détiendrait pas, selon que l’on souhaite l’accuser ou bien l’innocenter et, par là même, justifier ou récuser le bien-fondé de l’action militaire conduite contre lui à partir de mars 2003 ; action qui avait sans doute d’autres justifications (dont il sera fait état dans un livre à paraître prochainement). En tout cas, ces deux affirmations sont vraies et fausses tout à la fois. L’Irak n’a pas de nucléaire. Il a essayé sans y être parvenu, mais il est assuré qu’il a eu de l’armement chimique – et il s’en est servi – et très probablement du biologique, et que le reste de ses tentatives d’accéder au nucléaire lui a probablement laissé de quoi acquérir, sur un mode résiduel, la capacité radiologique.
À l’appui de cette réflexion, on peut citer une autre personnalité indiscutablement compétente, de par ses fonctions. Il s’agit de Richard Butler, Australien et président de l’UNSCOM (la commission spéciale de l’ONU pour le désarmement de l’Irak) qui écrit dans Le Figaro des 28 et 29 février 2004 : « Il ne fait aucun doute que Saddam Hussein avait des armes de destruction massive. J’en ai tenu dans mes propres mains… Tout le monde connaissait l’existence de ces armes. La Russie, la France, les États-Unis qui lui en avaient vendu des composants avaient gardé les reçus ». Alors pourquoi le caractère « introuvable » de ces armes plus ou moins prohibées ? Il y a deux personnes, dignes de crédit à des titres différents, en plus de Richard Butler, qui sont en mesure d’en parler. Il s’agit en premier lieu du général Sada retiré – j’allais dire réfugié – aux États-Unis qui en donne une claire explication le 27 janvier 2006 dans une interview donnée à un journal dont le titre est New York Sun. Le général Sada a été numéro 2 de l’Armée de l’air irakienne, en quelque sorte ce que nous appelons le major général. Je le cite in extenso : « L’Irak a transféré en Syrie ses armes de destruction massive, avant le début de la guerre en chargeant ces armes dans des avions civils dans lesquels les sièges des passagers avaient été enlevés ». Les pilotes de ces avions ont dit au général Sada que deux Boeing des Iraki Airways ont été convertis en avion-cargo. Ce sont les brigades de la garde républicaine qui ont chargé les matériels dans les avions. Il y avait aussi, au sol, des convois de camions. Les vols, cinquante-six au total, n’ont pas attiré l’attention parce que ces avions civils étaient « réputés » apporter une aide à la Syrie. Le général Sada déclare que le responsable irakien pour le transfert des armes était un proche de Saddam Hussein, nommé Al Hussein al Majid, bien connu sous le nom de « Ali le chimique ». L’officiel syrien, responsable de la réception des armes, était un cousin de Bashar Assad, appelé selon le cas général Abu Ali, Abu Himma ou Zulhimawe.
Enfin, Ariel Sharon, avant sa maladie, a déclaré, en bon observateur bien renseigné et en tant que Premier ministre d’Israël, le 22 décembre 2002, quelques mois avant le début des opérations en Irak : « Les armes chimiques et biologiques que Saddam Hussein s’est efforcé de cacher ont été déplacées d’Irak en Syrie ». Il semble maintenant évident que l’on sait où se trouvent les armes mises en cause. À défaut d’aller les rechercher sur place, ce qui n’est guère envisageable, on peut dire à ceux qui en doutent encore d’aller découvrir leur chemin de Damas ! ♦