Au moment où la Fondation pour les études de défense nationale (FEDN) publie le dernier ouvrage de Léo Hamon, Le sanctuaire désenclavé ? (cahier n° 23, 1982, 455 pages), il nous a paru d'un très grand intérêt que l'auteur présente lui-même ce livre aux lecteurs en répondant aux questions de l'amiral Duval.
Le sanctuaire désenclavé ? Réflexions sur la stratégie militaire française (II)
Amiral Duval : Ma question suivante concerne la défense européenne. Vous consacrez dans votre ouvrage (1) deux chapitres à la dimension européenne de nos problèmes de défense. Pourriez-vous préciser les approches que vous préconisez pour l’organisation d’une défense de notre continent qui soit davantage européenne, et en particulier pour le renforcement de la coopération franco-allemande qui, d’évidence, en est la clé de voûte ?
M. Léo Hamon : Je reprendrai sur l’Europe une phrase dont je suis l’auteur et que M. Maurice Schuman a, je crois, utilisée — légitimement — dans sa dépêche de prise de fonctions au quai d’Orsay : « La France est ma patrie ; l’Europe peut être ma raison ». La France est ma patrie, je ne m’éprouve pas du tout patriote européen. La patrie c’est cet état d’esprit indéfinissable que, dans un article paru dans le « Monde », j’ai appelé, je crois, la seule « double appartenance » que j’accepte : la France m’appartient et j’appartiens à la France. C’est un sentiment que je n’éprouve pas pour l’Europe, mais ma raison, elle, peut me faire voir ici beaucoup de choses.
J’ai été, je vous l’ai déjà dit, un adversaire acharné de l’armée européenne. J’étais alors assuré d’un siège de sénateur MRP de la Seine. Je l’ai mis en jeu et perdu parce que je ne pouvais paraître consentir ou seulement ménager mon opposition à la CED, et ceci malgré toutes mes amitiés au MRP et mon estime pour le rôle de ce mouvement. Il y avait dans ma motivation le sentiment d’une obligation vis-à-vis de la France, incommensurable avec l’entité bizarre qu’on prétendait instaurer. Aujourd’hui encore, la France est ma seule patrie, mais j’admets peut-être à présent plus qu’hier que l’Europe peut être ma raison.
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