Malheureusement pour lui, le Liban reste au premier plan de l'actualité. Dans notre dernier numéro, Jacques Vernant avait apporté ses réflexions sur les caractères internes et externes du monde libanais. Dans cet article, l'auteur, avec sa grande connaissance de l'Orient, étudie la refonte des structures de l'État libanais qui pourrait amener la réconciliation nationale.
Réconciliation nationale et refonte des structures au Liban
Le gouvernement libanais du président Aminé Gémayel et du Premier ministre Chafic Wazzan subit, le 10 août 1983, un défi particulièrement hardi : trois de ses ministres, en mission de conciliation en pays druze, sont séquestrés pendant plusieurs heures. Une fois libérés, ils sont chargés de remettre au président un message contenant les revendications du Parti socialiste progressiste (PSP). Non seulement M. Walid Joumblatt demande, dans l’immédiat, la démission du cabinet et le départ des unités de l’armée libanaise ayant pénétré en pays druze, mais encore il requiert des mesures de fond : égalité des droits de toutes les communautés libanaises, et reconnaissance de l’identité arabe du Liban.
S’il réussit à éluder les exigences du moment, le président Aminé Gémayel estime que dans la perspective de la reconstruction de l’État libanais, les revendications de fond doivent être étudiées. Il n’ignore d’ailleurs pas que naguère, quelques mois après le début des troubles, un projet de réforme avait été présenté ; il n’avait pas eu de suite, mais les réactions suscitées gardaient, en quelque sorte, la valeur d’un sondage.
En effet, le 14 février 1976, M. Soleiman Frangié, alors président de la République libanaise, avait présenté au cours d’une allocution télévisée un « programme d’action nationale » destiné à compléter la Constitution de 1926 et le pacte national de 1943. Ce document confirmait la répartition des hautes fonctions issue du pacte national : président de la République maronite, Premier ministre sunnite, président de la Chambre chiite. Il envisageait, en revanche, une nouvelle répartition des sièges parlementaires, qui seraient également partagés entre chrétiens d’une part, musulmans et druzes d’autre part, alors que la proportion en vigueur était de six pour les premiers contre cinq pour les seconds ; il accroissait le prestige du Premier ministre sunnite, désormais élu par la Chambre et non plus désigné par le chef de l’État, et il augmentait ses pouvoirs, en le faisant participer au contreseing présidentiel des actes législatifs ; il prévoyait « l’abolition du confessionnalisme dans les fonctions administratives » au profit de la considération du mérite, tout en respectant l’égalité entre les communautés pour les fonctions de la première catégorie.
Il reste 90 % de l'article à lire
Plan de l'article