Politique et diplomatie - Sur le débat stratégique (I)
Trois titres d’ouvrages en anglais dont les thèses se recoupent et sont à certains égards complémentaires, sur d’autres points contradictoires, un quatrième, l’Annuaire de poche du SIPRI pour 1983, publié pour la première fois en français, voilà de quoi animer, enrichir, éclairer le débat sur l’évolution de la stratégie occidentale et le rôle qu’y jouent les euromissiles (1). Ces ouvrages, bien différents les uns des autres, ont en commun qu’ils sont le produit d’une réflexion collective, qui débouche soit sur un rapport de synthèse (c’est le cas du rapport du groupe de Harvard sur les implications de l’arme nucléaire et de la première partie de l’ouvrage sur la dissuasion classique en Europe) sur une série d’études individuelles traitant des divers aspects d’un même problème.
Strengthening conventional deterrence in Europe résulte du travail d’un groupe qui fut constitué en automne de 1981, sous les auspices de l’Académie américaine des arts et des sciences, pour « étudier les mesures susceptibles de contribuer à la sécurité de l’Europe en renforçant les capacités de l’OTAN dans le domaine classique de façon à répondre à la mission de l’OTAN, et à rendre moins nécessaire le recours aux armes nucléaires dans les premières phases d’un conflit ». Saluons en passant le civisme et l’ouverture d’esprit des académiciens américains qui ont formé et réalisé ce projet. Le groupe de travail comptait une trentaine de participants, la plupart nord-américains mais aussi britanniques, allemands et Scandinaves. L’Europe du sud, France incluse, n’était pas représentée. Après la mort de Carroll L. Wilson, qui fut l’animateur du projet, Robert Bowie en assura la direction. Tout en acceptant la doctrine, toujours officiellement admise, de la « riposte flexible », les auteurs du rapport collectif estiment qu’il est souhaitable d’élever aussi haut que possible le seuil d’emploi des armes nucléaires et qu’il faut éviter une situation dans laquelle l’OTAN n’aurait que le choix entre la capitulation devant l’agression et le recours à l’arme nucléaire avec la perspective de provoquer une riposte également nucléaire (2). En conséquence, et tout en admettant que « la dissuasion implique que tout conflit en Europe risque de devenir nucléaire », « nous insistons, écrivent les auteurs, sur la nécessité pour l’OTAN de chercher à modifier la situation actuelle de façon à devoir moins compter sur un emploi rapide des armes nucléaires pour dissuader une attaque conduite avec des moyens classiques ».
C’est sans nul doute un même souci, voire une même logique mais poussée à l’extrême qui inspire les collaborateurs du SIPRI dans l’ouvrage intitulé : « désengagement nucléaire en Europe ». On y trouve l’historique des différentes propositions présentées en ce sens ainsi qu’une analyse objective des avantages que pourrait comporter et des difficultés que rencontre l’établissement de zones dénucléarisées en Europe. À vrai dire, après l’examen des projets de zones dénucléarisées en Europe centrale, c’est l’idée d’une zone dénucléarisée dans la péninsule scandinave qui fait l’objet d’une étude approfondie, les projets de zones dénucléarisées dans les Balkans ou en Méditerranée n’étant abordés que pour mémoire.
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