Depuis que cet article a été écrit, le Japon s'est senti menacé par les SS-20 soviétiques mis en place à l'Est de l'Oural. Ce fait nouveau ne modifie cependant pas fondamentallement les conclusions de l'étude menée par l'auteur sur ce pays lointain et mal connu des Français.
Le retour du Japon, puissance militaire ?
Dans son célèbre livre America’s strategy in world politics (1942), Nicholas Spykman soulignait que l’élimination de l’Allemagne et du Japon bouleverserait l’équilibre de puissance au profit de l’Union Soviétique et il en concluait que les États-Unis devraient après la guerre soutenir leurs anciens adversaires pour faire face à cette nouvelle menace. Venant quelques mois après Pearl Harbour, cette proposition fut ressentie comme une absurdité. Un commentateur écrivit : « En regardant une carte, on peut voir que le Japon est une île, mais pas que c’est un État fasciste et militariste qui a continuellement besoin de s’étendre pour remédier à ses crises internes ». Ce à quoi Spykman avait déjà répondu : « Les ministres arrivent et s’en vont, même les dictateurs meurent, mais les montagnes sont toujours à la même place » (1).
Les principes
À la fin de la guerre, comme on pouvait s’y attendre, l’avertissement de Spykman ne fut pas écouté. Les Américains entreprirent d’extirper en profondeur le militarisme japonais. Le résultat fut la Constitution pacifique de 1947, avec son célèbre article 9, sinon imposé, du moins encouragé par MacArthur (2), par lequel le Japon renonce à la guerre et à l’entretien des forces armées, ne conservant que le droit de l’autodéfense. Sur cette base a été progressivement élaborée une politique de sécurité dont les principes sont toujours actuels.
a) Avoir une stratégie purement défensive, excluant tout emploi et même toute menace d’emploi de la force dans les relations internationales. Le Japon n’a pas d’armée, mais une agence d’autodéfense dirigée par un directeur général qui a rang de ministre, dont tous les personnels sont juridiquement considérés comme des civils et qui est enfermée dans des limites légales très strictes : elle ne peut combattre sans l’autorisation du Premier ministre, même en cas d’attaque surprise ; elle ne peut être engagée outre-mer, ni participer à un système de sécurité collective et elle ne doit se livrer qu’aux exercices nécessaires à l’entraînement de ses forces. Au fil des ans, ces contraintes se sont renforcées. En 1967, le gouvernement a interdit les exportations d’armement et énoncé les trois principes non nucléaires : ne pas posséder, ne pas fabriquer et ne pas introduire sur le territoire japonais d’armes nucléaires ; en 1976, il a été officiellement décidé que le budget de défense ne dépasserait pas 1 % du produit intérieur (3). Ces restrictions limitent étroitement la liberté d’action des forces d’autodéfense : au début des années 70, il a fallu renoncer à doter les chasseurs F4 de dispositifs que l’opposition qualifiait d’« offensifs ».
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