L’auteur de cet article, habitant la Thaïlande depuis de nombreuses années, est particulièrement bien placé pour observer tout ce qui se passe dans le Sud-Est asiatique. Son attention se porte aujourd’hui sur les Philippines, où le régime du président Marcos paraît fort contesté, après l’assassinat de Benigno Aquino.
Le communisme aux Philippines : un romantisme révolutionnaire
Étudier le communisme philippin c’est faire le récit d’un certain échec de la guérilla qui ne peut accomplir que des progrès très limités. Toutefois, ces guérillas sont actuellement les seules d’Asie du Sud-Est à représenter un mouvement purement autochtone (1), à bénéficier d’une sympathie réelle de la population dans ses zones d’action et à avoir largement infiltré les universités d’où sont issus les principaux dirigeants. Qualifiés quelquefois d’adeptes de Che Guévara, ils se considèrent cependant surtout comme des disciples de la Chine. Opposé à cette tendance, un groupuscule prosoviétique, reliquat du premier PC des Philippines et le seul à revendiquer ouvertement cette orientation dans toute la région, refuse l’affrontement armé et prône la lutte dans le cadre du système parlementaire pour obtenir sa légalisation. Dans la situation troublée que connaissent les Philippines après l’assassinat dans des circonstances non encore éclaircies du principal leader de l’opposition le sénateur Benigno Aquino en août 1983, il est fondamental de savoir quel rôle peuvent jouer ces deux organisations communistes rivales dans ce pays.
Crisanto Evangelista : père du communisme philippin
Les premières manifestations du communisme philippin remontent de manière certaine à 1913, date de la création du Congrès des ouvriers des Philippines (COP), dont Crisanto Evangelista, imprimeur mais aussi intellectuel est un des fondateurs, d’où le surnom qu’il reçut de « père du communisme philippin ». En 1927-1928, il se rend en Chine et en URSS pour refaire surface à Manille en 1929. Considéré alors comme un expert du marxisme, il enseigne ce sujet à l’université. Cependant, des adhérents du COP refusent cette évolution et quittent ce syndicat. Evangelista forme alors le Congrès des fils de la sueur (CFS) le 5 mai 1930 et, lors de la première réunion décide l’établissement d’un PC des Philippines (PCP) qui est proclamé officiellement le 7 novembre suivant, en commémoration de la révolution soviétique. Evangelista, qui en est le président, entre immédiatement en action, courant ainsi à sa perte.
Le PCP prépare de vastes manifestations dans la ville de Caloocan au Nord de Manille pour le 1er mai 1931. L’autorisation accordée par le maire est retirée au dernier moment, mais Evangelista passe outre. Il s’adresse à la foule rassemblée en se lançant dans une violente diatribe contre les autorités. Les participants sont dispersés avec des lances d’incendie et Evangelista arrêté. Entêtés et enthousiastes, mais sans aucune prudence, les leaders du PCP, dont Guillermo Capadocia, l’adjoint direct d’Evangelista, se réunissent pour de nouveaux complots dès le 31 mai et sont de même emprisonnés. Le PCP, déclaré illégal, reçoit son premier coup d’arrêt qui durera sept ans.
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