L'auteur se demande ici s’il faut transformer Gandhi en saint. Il interroge l’histoire en s’appuyant sur de nombreux documents authentiques, pour essayer de rétablir la part de l’humain dans un personnage qui tend à devenir un mythe.
L'avènement de Gandhi : quelques confrontations doctrinales
Nom : Gandhi ; prénom : Mohandas ; âge : 45 ans ; état civil : marié, père de quatre garçons ; profession : juriste ; adresse : Propriété Phœnix, à vingt-cinq kilomètres de Durban ; décorations : médailles d’or de la loyauté envers la Couronne britannique, parmi lesquelles la « Kaiser-i-Hind » et deux autres obtenues en tant que brancardier d’ambulance au profit des Britanniques pendant la guerre contre les Boers (1899-1902) et lors de l’écrasement de la révolte des Zoulous (1906) ; passions : la non-violence et le végétarisme (1).
Tel pouvait être le signalement, en 1914, du petit avocat têtu surnommé « coolie barrister » par les dirigeants sud-africains. Jeune diplômé de Londres sans situation, en 1983, il avait quitté l’Inde comme conseiller d’entreprise sur l’invitation de Dada Abdulla, commerçant musulman de Natal. Un an plus tard, à l’échéance du contrat, il avait élu domicile à Prétoria en vue de défendre les travailleurs immigrés d’origine indienne, traités comme des bêtes, contre la discrimination barbare des autorités coloniales. Lui-même exposé à toutes les nuances de la haine raciale — de la raillerie aux châtiments corporels les plus éprouvants, réservés aux « sammis » (hindous) — Gandhi avait su sacrifier son amour-propre pour se mettre au service de ses compatriotes défavorisés. La communauté indienne avait fixé sa rémunération annuelle à trois cents livres anglaises.
Tiraillé entre le christianisme (la Bible — notamment le Sermon sur la Montagne —, Le Royaume de Dieu est en toi de Tolstoï) et l’islam (il est ébloui par le Koran et il est redevable envers ses bienfaiteurs musulmans), Gandhi n’avait qu’une connaissance superficielle de la pensée philosophique et religieuse de l’Inde. Les Chants célestes (adaptation anglaise de la Gîtâ par Edwin Arnold), La Lumière de l’Asie (biographie anglaise du Bouddha par le même poète) et le texte anglais du Râja-yoga par Vivekânanda semblent avoir été ses seules lectures importantes dans ce domaine. Sollicité par des amis chrétiens et musulmans désireux de l’accueillir définitivement parmi les fidèles de l’Église ou de la Mosquée, Gandhi, dans sa correspondance de l’époque, ne cachait pas sa profonde hésitation entre l’une et l’autre des deux religions.
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