Politique et diplomatie - Sur le débat stratégique (II)
Si la conjoncture internationale — dont on a dit qu’elle n’a jamais été plus dangereuse depuis la crise des fusées de 1962 — invite à l’examen critique de l’ensemble des éléments sur lesquels est fondée notre politique de sécurité, les progrès techniques, l’apparition de nouvelles armes ou le perfectionnement des armes existantes peuvent également remettre en question les principes de cette politique. Celle-ci comporte, si l’on peut dire, deux volets : un volet occidental ou atlantique, à savoir notre appartenance à l’Alliance, et un volet proprement français constitué pour l’essentiel par notre capacité nationale de dissuasion nucléaire. Dans les conditions nouvelles, à la fois politiques et technico-militaires, des années 1984-1990, chacun d’eux mérite un examen distinct, encore que les décisions prises au titre de l’Alliance — en réalité par le gouvernement des États-Unis — sont susceptibles d’affecter plus ou moins directement notre capacité de dissuasion et par conséquent notre politique de sécurité.
À cet égard, on a fait état à plusieurs reprises de l’incidence qu’aurait sur notre armement de dissuasion nationale, l’éventuelle prise en compte de nos forces stratégiques dans le calcul de l’équilibre des forces nucléaires sur le théâtre européen. Ce lien prétendu entre le résultat des négociations américano-soviétiques et le devenir de notre force nucléaire de dissuasion sera examiné ci-dessous. Beaucoup plus évidente est la conséquence qu’aurait sur l’avenir de notre force de dissuasion, la décision que prendraient, faute de parvenir à un accord de limitation contrôlée des armements, les États-Unis et l’Union Soviétique, d’engager à nouveau la compétition dans le domaine des ABM (2) et à plus forte raison dans le domaine des armes antisatellites basées dans l’espace. Notons seulement à ce propos, d’emblée, que l’efficacité, voire la raison d’être, de notre force nucléaire stratégique sont renforcées par tout accord mettant une limite à la course qualitative aux armements entre les deux Grands.
Un examen critique doit d’abord porter sur les données quantitatives et qualitatives à partir desquelles on évalue le degré de sécurité, ou d’insécurité de l’Occident, en cherchant à établir si les forces en présence sont « équilibrées ». Quelques constatations s’imposent à ce propos. D’abord on relève, en se référant aux études sérieuses qui s’efforcent de faire périodiquement le point sur la question (3) qu’elles sont toutes anglo-saxonnes et plus précisément américaines. Les sources européennes sont absentes. On dira que les Européens, les Français en particulier, se rattrapent par l’abondance des publications de caractère philosophique ou littéraire qui prétendent traiter des problèmes socio-politiques et technico-militaires dans une perspective idéologique. Mais ceci ne compense pas cela.
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