Correspondance - L'effort militaire suédois
Dans un article intitulé « Tour d’horizon stratégique » de la Revue de Défense Nationale d’août-septembre 1950, l’auteur, examinant les forces militaires en présence au début d’un éventuel conflit entre la Russie et ses satellites et les puissances du Bloc occidental, fait état des 35 000 hommes de l’Armée suédoise du temps de paix. Ce chiffre est à la fois trop élevé ou trop faible : trop élevé si l’on fait le bilan des forces dites de couverture, prêtes en tout temps à intervenir immédiatement et qui n’existent pas en Suède, trop faible si l’on fait la somme des forces de qualité qui peuvent être mises sur pied en quelques jours et qui ne doivent pas être méconnues.
La Suède, en effet, n’a pas abandonné jusqu’à ce jour la politique de neutralité qui lui a valu plus d’un siècle de paix et ne semble pas prête à entrer dans l’un ou l’autre camp avant l’ouverture d’un conflit, mais elle a tenu à posséder une armée moderne et solide qui garantisse son indépendance, et elle l’a conçue suivant un système particulier qu’il faut examiner si l’on veut donner tout son prix à son effort de défense nationale.
Posant, en principe, qu’il n’existe pas, pour elle, de péril terrestre immédiat, puisque la Norvège et la Finlande n’ont pas d’armées menaçantes et entretiennent de bonnes relations avec elle, que le péril maritime est limité puisqu’aucune puissance ne possède une flotte de guerre importante en Baltique, mais que les progrès des aviations modernes créent en tout lieu et en tout temps un péril aérien sérieux, la Suède s’est donnée une excellente aviation de chasse prête dès le temps de paix et une armée et une flotte rapidement mobilisables grâce à des réserves instruites et à des matériels de guerre stockés et bien entretenus. Quels en seraient les délais de mise sur pied et le volume exacts ? Il n’appartient pas à un étranger d’en connaître et moins encore d’en parler, mais le chiffre de 600 000 hommes immédiatement mobilisables peut être retenu grâce à un raisonnement basé sur les données démographiques. Quant à la qualité, si l’on visite les régiments qui ont tous été transformés en véritables centres d’instruction modernes égalant ceux des nations occidentales où les cadres d’active très qualifiés donnent au contingent annuel neuf mois de formation très sérieuse, si l’on apprécie la qualité des gradés de réserve qui font tous six mois de service supplémentaires et celle des officiers de réserve qui font, eux, douze mois supplémentaires, on peut penser que l’armée suédoise mobilisée serait composée de bataillons, de groupes et de régiments excellents. Il faut ajouter que le problème des grandes unités et des États-Majors correspondants est étudié chaque année au cours de périodes dites de révision, où des groupements et des divisions sont mis sur pied et manœuvrent. La défense contre les unités aéroportées a été également prévue puisqu’il existe des éléments locaux de défense en surface sur tout le territoire. Ainsi, excellente aviation de chasse entretenue en temps de paix, unités terrestres et maritimes instruites et rapidement mobilisables, défense du territoire, le tout appuyé sur des fabrications d’armements mondialement réputées : voilà les éléments à retenir lorsqu’on pèse les forces militaires suédoises. Si l’on tient compte des facilités offertes pour la défense de la frontière nord par les immenses forêts finnoises aux rares voies de communication et do la nature des côtes peu favorables aux débarquements, renforcées par une fortification permanente judicieusement placée, on peut, admettre qu’avec les délais fournis par un service de renseignements attentif, il y a en Suède une armée importante pouvant efficacement s’opposer à l’invasion, au moins pendant un certain temps. La France et les puissances occidentales doivent le savoir et s’en réjouir puisque ces forces sont au service d’un pays dont l’esprit pacifique n’est mis en doute par personne. ♦