Il est bien certain qu'une pleine souveraineté pour un État ne s'exerce que s'il a le droit de placer des moyens militaires comme il l'entend, partout sur tout son territoire. L'auteur étudie le problème en juriste pour des îles grecques de mer Égée situées le long du territoire turc. Le seul problème est celui de l'opportunité de telles mesures dans un contexte politique gréco-turc qui n'est pas totalement serein. Il n'est pas question ici de prendre parti dans une discussion entre les deux parties intéressées mais de faire apparaître les problèmes qui se posent.
Le statut de démilitarisation de certaines îles grecques
Il a été précédemment exposé (1) pour le Dodécanèse (ce groupe d’une douzaine d’îles en Méditerranée orientale récupérées par la Grèce en vertu du traité de paix avec l’Italie de 1947) que la démilitarisation y édictée est devenue caduque de plein droit : il a suffi notamment de rappeler que celle-ci, appliquée comme à tous les territoires italiens conformément à la Charte de l’Atlantique d’août 1941 et à la Déclaration des Nations-Unies du 1er janvier 1942, a atteint son terme extinctif tel que prévu (point 8). En effet, étant essentiellement incompatible avec un « système plus large et permanent de sécurité générale », elle a nécessairement pris fin par l’accession de la Grèce et de la Turquie voisine, fin 1951, à l’Alliance Atlantique et à l’OTAN.
Mais il existe d’autres îles en mer Égée, aussi proches du littoral turc et des détroits des Dardanelles et qui ont été auparavant également démilitarisées en vertu de la convention et du traité de Lausanne de 1923 : ce sont d’une part Lemnos et Samothrace, d’autre part Mitylène, Chios, Samos et Nikaria. L’enjeu stratégique de ces îles sous souveraineté grecque étant fort important pour la défense du monde libre, il convient d’examiner quel est le sort actuel de ces démilitarisations en droit international. Y a-t-il aussi, pour les îles précitées, comme pour le Dodécanèse, un droit acquis, en faveur de la Grèce et de l’OTAN, et erga omnes, y a-t-il même un devoir pour la sauvegarde de la paix que de les remilitariser ? Y avait-il un motif légitime de ne pas inclure l’île de Lemnos dans les exercices d’automne 1982 de l’OTAN en mer Égée, ce qui a provoqué leur annulation ?
La situation d’origine d’après les traités
C’est à la suite des guerres balkaniques, que la Grèce et la Turquie ont confié aux six puissances alliées la charge de régler le sort et de départager les îles de la mer Égée. Ainsi le traité de Londres du 17/30 mai 1913 (article 5) et le traité d’Athènes du 1/14 novembre 1913 (article 15) ont donné lieu, en exécution de ces dispositions, à une décision prise le 13 février 1914 par la conférence de Londres, notifiée aux gouvernements hellénique et turc : la quasi-totalité des îles en litige était attribuée à la Grèce, avec cependant l’obligation pour celle-ci de ne pas fortifier certaines seulement d’entre elles.
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