Discours du Premier ministre lors de la séance d'ouverture de la 37e session de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) le 15 septembre 1984.
La politique de défense : rassembler et moderniser
Soixante jours après avoir pris mes fonctions de chef du gouvernement, c’est devant vous que je m’exprime pour la première fois en tant que responsable de la Défense nationale, exerçant la direction générale et la direction militaire de la Défense, sous la haute autorité du président de la République, chef des armées.
Votre session a le mérite de rassembler des femmes et des hommes de tous horizons socio-professionnels. Vous êtes des témoins de la force et de la variété des liens qui unissent l’armée à la nation.
L’Institut des hautes études de défense nationale vous donne un cadre d’information, de réflexion et d’expression objectif et libre. C’est sa tradition, c’est ce qui fait son renom et c’est particulièrement nécessaire aujourd’hui tant les changements du monde appellent une interrogation sur l’avenir.
J’ai choisi pour évoquer notre politique de défense d’insister sur les deux lignes de force qui commandent l’action de mon gouvernement :
— notre Défense rassemble les Français ;
— notre Défense se fonde sur une volonté permanente de modernisation.
La politique de défense rassemble les Français
Une très grande majorité des Français, quelle que soit leur famille politique, accepte le concept fondamental de la dissuasion nucléaire.
À cet égard, trois principes me semblent particulièrement importants : l’indépendance de la France, la solidarité avec nos alliés, la recherche d’une réduction du surarmement.
L’indépendance de la France
Pour ce qui est de notre territoire et de nos intérêts vitaux, nous devons compter sur nous-mêmes. Notre concept de la dissuasion du faible au fort est à la fois un gage du crédit de la France dans le monde et un facteur qui contribue à la stabilité de l’équilibre des forces.
C’est pourquoi la France consacre une partie importante de son budget de Défense pour disposer d’un armement nucléaire suffisant. Elle peut ainsi être certaine d’infliger en toutes circonstances à un adversaire éventuel des dommages énormes, sans commune mesure avec ce qu’il pourrait espérer dans son entreprise d’agression.
Cette notion de suffisance nucléaire implique que notre arsenal demeure en volume adapté à cet objectif, ce qui exclut de suivre l’URSS et les États-Unis dans la voie d’un surarmement dont nous n’avons d’ailleurs pas les moyens. La suffisance nucléaire implique que notre armement demeure toujours crédible, c’est-à-dire qu’il soit protégé, fiable et capable de pénétrer des systèmes de défense évolutifs. C’est ce concept qui a guidé les choix relatifs à la modernisation de nos capacités nucléaires, notamment le développement des missiles M4, air-sol moyenne portée et Hadès, ou la décision de nous doter d’un septième sous-marin nucléaire lanceur d’engins.
Mais notre politique s’inscrit dans une perspective plus large. La stratégie de la France est une stratégie de Non Guerre. Elle repose sur l’idée qu’aucune nation ne peut en Europe espérer l’emporter dans un conflit. Du fait de la concentration humaine et de la puissance des armements en présence, un conflit majeur, même initialement limité aux seuls armements classiques, entraînerait de toute manière des pertes humaines et matérielles d’un niveau intolérable.
Par son caractère irréversible et volontairement terrifiant, cette stratégie de dissuasion ne peut donc être diluée dans un système d’alliance internationale quel qu’il soit. C’est pourquoi la force française de dissuasion ne peut être engagée que par le président de la République française au moment et au lieu qu’il aura déterminés en fonction des intérêts vitaux de la France.
La solidarité
Indépendance sans concessions et solidarité avec nos alliés sont complémentaires. De la cohésion de l’Alliance atlantique dépend la sécurité de l’Europe, donc notre sécurité.
S’agissant de l’Alliance atlantique, il n’est pas nécessaire de répéter à un public aussi averti que la France n’a pas à réintégrer l’OTAN pour la bonne raison qu’elle n’est pas sortie de l’Alliance, même si elle a quitté, depuis 1966, le commandement militaire intégré. Le resserrement progressif de nos liens de défense avec les Européens ne remet en cause ni l’Alliance ni nos options fondamentales. Il s’agit pragmatiquement de renforcer la coopération des Européens sur leurs affaires de sécurité, autour de tâches concrètes. En cela nous répondons à une attente des opinions publiques européennes.
En dehors de l’Alliance atlantique, nous entendons également exprimer notre solidarité vis-à-vis d’autres pays amis qui nous le demandent, sous différentes formes. Partout nous poursuivons un seul projet : la défense de la paix.
Ainsi au Liban, la réponse de la France à la demande d’aide des autorités libanaises a été courageuse et immédiate. Nous avions analysé les risques de la situation. Nous les avons acceptés. Je veux saisir l’occasion qui m’est donnée de rendre hommage à ceux qui sont tombés au Liban. Les mots sont toujours trop froids pour apaiser la peine des proches. Chef du gouvernement, je m’incline une nouvelle fois devant leur chagrin. Ceux qui sont tombés ont servi la cause de la paix. La route est encore longue pour le Liban, mais il ne fait pas de doute que la présence des forces françaises au sein de la force multinationale a permis aux différentes parties du drame libanais de trouver les forces morales suffisantes pour essayer de rebâtir leur patrie. La France est la seule puissance à avoir assuré sa présence, quels qu’en eussent été les risques, jusqu’à la réconciliation des fractions opposées, réconciliation que nous espérons durable. Après notre retrait, toutes les parties ont aussitôt demandé à des militaires français de servir d’observateurs afin que se poursuivent le processus de désescalade et le retour de la paix civile dans Beyrouth.
L’action de la France au Tchad, si elle a suivi des modalités différentes, a été guidée par la même volonté de voir préserver la paix. À la demande du gouvernement légal, reconnu par l’organisation de l’Unité africaine, et en accord avec de très nombreux pays africains, la France n’a pas hésité à porter ses forces au Tchad pour arrêter une invasion du territoire tchadien. Ne recherchant pas une conquête militaire, la France s’est efforcée, après avoir montré sa détermination, de permettre la reprise du dialogue. Son dispositif militaire n’a pas d’autre but. On sait que le retrait des troupes françaises du Tchad sera immédiat et général dès lors qu’il en sera de même pour la Libye. Nous n’avons pas cessé d’agir en ce sens. Nul ne pourra en douter.
Pour manifester encore mieux sa capacité d’être solidaire de ses alliés et de ses amis, la France dispose maintenant dans le cadre de la force d’action rapide d’un certain nombre d’unités professionnalisées capables d’être déployées dans des délais très brefs. La France n’a ni les moyens ni surtout le désir de jouer un rôle de gendarme international. Elle entend simplement réaffirmer à ses alliés sa détermination de respecter ses engagements partout où la paix sera gravement menacée.
La volonté de réduire le surarmement dans le monde
Cette volonté ne signifie pas faiblesse.
Nous souhaitons que des rapports constructifs s’établissent avec l’URSS. Il y va de l’intérêt de la paix. Mais celle-ci passe avant tout, comme le souligne souvent le président de la République, par l’équilibre des forces. C’est pourquoi la France a estimé que les nouvelles armes nucléaires de « théâtre » installées par les Soviétiques en Europe ne pouvaient pas rester sans réponse. Nous n’en considérons évidemment pas moins comme de la plus haute importance que l’équilibre des forces s’établisse, par la négociation, au plus bas niveau possible. Aussi la France appuie-t-elle toute tentative visant par des accords vérifiables à la réduction de l’énorme potentiel nucléaire dont disposent les deux superpuissances.
Nous approuvons toute discussion entre les deux supergrands qui aboutirait à un regain de la confiance, mais nous n’acceptons pas que les conditions de notre propre sécurité soient débattues en notre absence. Le président de la République a précisé devant l’Assemblée générale des Nations Unies les trois conditions que pose la France pour participer à une négociation entre les pays dotés d’un armement nucléaire :
— la réduction de la différence de nature et de quantité entre l’arsenal des deux grandes puissances et celui de la France ;
— la correction des déséquilibres en matière d’armement conventionnel et chimique ;
— l’absence de développement de tout système nouveau qui déstabiliserait les fondements actuels de la dissuasion et donc de la paix.
En ce qui regarde l’utilisation militaire de l’Espace, la France a fait en juin dernier des propositions réalistes afin que des négociations s’ouvrent, ayant pour objet d’éviter une nouvelle spirale de la course aux armements. La France est pour la paix dans l’espace. Les projets actuellement à l’étude, tant aux États-Unis qu’en Union Soviétique, comportent des risques importants, chaque protagoniste étant tenté de répondre par le déploiement de systèmes offensifs supplémentaires. Ainsi, le développement des systèmes antimissiles aussi bien dans l’espace qu’à terre risquerait de s’accompagner d’une relance des armes offensives. Enfin, et cela est pour nous, Européens, déterminant, le développement des systèmes défensifs risquerait de précipiter chez nos partenaires le sentiment d’un découplage de leur sécurité par rapport à celle des États-Unis. Ainsi seraient alors créées les conditions qui pourraient inciter les détenteurs de la supériorité conventionnelle en Europe à tirer parti de leur avantage. Les deux superpuissances, dont la responsabilité en la matière est considérable, doivent engager des négociations à ce sujet. Les propositions de la France peuvent permettre également à la communauté internationale de se saisir de cette question, tant il est vrai qu’elle nous concerne tous.
J’ajoute que dans tous les domaines où progressent, trop lentement hélas, les discussions sur la réduction des armements conventionnels, notamment au Comité de Genève, la France prend une part active. La conférence de Stockholm, ouverte à la fin de l’année dernière en dépit de circonstances difficiles, résulte d’une initiative française. C’est une entreprise ambitieuse, car elle vise à traiter l’une des causes militaires fondamentales de la tension en Europe, le risque d’une attaque conventionnelle par surprise. Il s’agit, dans une première phase, celle qui est entamée, de définir avec l’Est les mesures dites de confiance — avertissement sur les manœuvres, transparence des informations, etc. — qui réduisent l’incertitude sur la menace. Si ce pas est franchi, il sera ensuite possible d’envisager la diminution de la menace elle-même, c’est-à-dire la réduction des arsenaux conventionnels en Europe.
La modernisation de notre défense
La seconde ligne de force dans l’action gouvernementale, et qui trouve tout son sens dans la politique de défense, c’est la volonté de moderniser la France. Une économie développée est moderne ou elle n’est pas. Une défense est moderne ou elle n’est pas.
Sur le plan économique et technologique, nous poursuivons, vous le savez, une entreprise de restructuration de notre industrie, de développement des secteurs productifs nouveaux, de transformation de notre appareil de formation, de revitalisation de notre recherche, d’indépendance technologique et énergétique… Ce n’est qu’en les menant à leur terme que la France restera une grande puissance. Il en est de même de notre défense.
Quelle évidente illustration des liens entre notre politique économique générale et notre politique de défense que l’évolution de notre industrie d’armement ! Les forces aériennes, terrestres et navales ont à mettre en œuvre des matériels toujours plus performants nécessitant des spécialistes parfaitement qualifiés. Les excellents rapports entre nos experts militaires et civils ont créé une industrie d’armement très compétitive, au niveau mondial. Les percées effectuées sur le plan technologique par la défense ont souvent pour conséquence l’amélioration de techniques à usage purement civil. Le nucléaire militaire a permis par exemple la mise au point d’une industrie électronucléaire particulièrement performante. Les exemples abondent de cet effet d’entraînement créé par les investissements de Défense.
J’irai plus loin dans les liens qui unissent notre action économique et notre sécurité. Les efforts que nous déployons pour le développement économique dans le monde, nos initiatives pour un système monétaire mondial plus équilibré et plus stable vont également dans le sens d’une prévention des risques de conflits. Qui ne voit la relation entre le développement économique et les chances de la paix ? Qui ne voit combien le surarmement gaspille les ressources de la planète alors que les problèmes de la faim et du sous-développement sont dramatiques ? Nos propositions, notre action visent à réduire ces gaspillages. Ainsi la modernisation à laquelle nous nous attachons ne prend-elle son sens que si elle touche à la fois l’économie et la défense, à la fois notre pays et l’ordre international.
Je souhaite que vous consacriez vos réflexions plus particulièrement aux questions qui domineront les années qui nous conduisent vers le XXIe siècle. Nous ne vivons pas simplement une crise. Nous vivons un changement du monde. Ce constat, qui fonde l’action économique et sociale du gouvernement, doit être également à la base de la réflexion militaire actuelle.
Car notre environnement militaire connaît des mutations profondes. Dans l’ordre stratégique : accession de l’URSS à la parité stratégique et augmentation de ses moyens en Europe, plus grande difficulté qui en résulte d’assurer le « couplage » entre les États-Unis et l’Europe ; vulnérabilités nouvelles dans le Tiers Monde. Dans l’ordre politique : perception par les opinions européennes de ce que les décisions sur la vie et la mort de leurs pays peuvent être prises ailleurs par des appareils anonymes.
Dans l’ordre technologique : les experts évoquent, en parlant de « technologies émergentes », une véritable révolution dans les systèmes d’armes susceptibles de provoquer à terme des changements dans les conceptions stratégiques.
S’il y a mutation dans les systèmes d’armes dans le sens d’une complexité croissante, c’est, vous le savez, parce que leur environnement change sous l’effet de l’introduction de la micro-informatique de très haute performance et de la mise au point de systèmes de détection et de visée de l’adversaire. Les experts en déduisent des possibilités de gestion intégrée du champ de bataille et d’une beaucoup plus grande efficacité des armes non-nucléaires sur le théâtre d’opérations, voire dans l’espace. D’où la tentation de trouver des substituts à la dissuasion nucléaire, soit par le retour à la bataille sur « le théâtre » ou la recherche illusoire d’une « dissuasion conventionnelle », soit par la recherche non moins illusoire d’une « dissuasion défensive » à base de véritables boucliers de l’espace supposés infaillibles contre toute forme d’agression.
Il y a là un véritable défi sur lequel je vous demande de réfléchir. Ce serait un leurre que d’abandonner les bases de la dissuasion qui a permis à notre monde d’éviter un conflit mondial au cours de ces quarante dernières années. Or, on ne manquera pas de spéculer sur la crainte légitime que suscite l’arme nucléaire pour présenter ce leurre aux opinions publiques sous couvert de progrès technologiques. Ce serait aussi, bien entendu, une erreur, de ne pas chercher à intégrer l’innovation technologique dans nos capacités de défense. Le véritable problème, et c’est là un thème de réflexion essentiel avec nos Alliés, est de mettre les mutations technologiques au service de la dissuasion. Devant ces évolutions, nous devons être fermes sur l’intangible et attentifs à décourager tout ce qui conduirait à une déstabilisation, mais vigilants et pourvus des moyens technologiques de développer les réponses appropriées. Bref, pour conserver sa crédibilité à notre défense, nous devons maîtriser la modernité.
J’ai insisté sur la modernité de nos capacités nucléaires mais il est clair que nos capacités conventionnelles sont concernées. La discussion de la loi de programmation militaire pour 1984-1988 a permis de constater que les Français voulaient donner à tout notre appareil de défense les moyens nécessaires à son développement. Le gouvernement a œuvré pour améliorer la totalité des aspects de la vie militaire. La réorganisation des forces terrestres prévue par la loi a répondu au souci de donner au corps de bataille une efficacité plus grande. C’est ainsi que le 3e corps d’armée fort de 50 000 hommes et de 1 800 blindés, dont 400 chars de bataille, vient d’implanter son poste de commandement à Lille en même temps que ses missions de guerre étaient réorientées face aux approches Nord et Nord-Est de notre territoire. Les mesures déjà prises pour améliorer le contenu du service national ont été bien accueillies par les Français, ainsi qu’en témoigne l’intérêt rencontré par la formule du « volontariat pour un service long ». Cet effort sera poursuivi, notamment par l’adaptation de nouvelles mesures tendant à faciliter le retour des appelés à la vie civile à l’issue de leur service national. J’ai demandé au ministre de la Défense et au ministre chargé de la Formation professionnelle d’étudier l’ensemble des mesures permettant de mieux tirer parti de la période du service national par l’acquisition d’une expérience pratique, en particulier à caractère scientifique et technologique, sans que la priorité à l’efficacité opérationnelle des forces ne soit altérée. Des dispositions — comme le protocole Éducation-Défense — ont déjà été prises pour assurer une meilleure préparation au service national. Il convient de poursuivre sur cette voie, en ayant le souci d’adapter le service national aux réalités des années 1980-1990, afin que la contribution des jeunes Français à la Défense du pays constitue effectivement l’un des piliers de notre sécurité.
Dans le cadre de la modernisation, vous aurez à réfléchir sur les moyens pratiques qui permettront de concrétiser progressivement la coopération européenne. Des initiatives ont déjà été prises. Alors qu’aucun grand programme d’armement n’avait été engagé entre 1970 et 1981, nous avons multiplié les accords-cadres (avec l’Italie, l’Espagne, le Danemark, la Grèce, la Belgique). C’est par la coopération que nos industries d’armement réuniront les moyens humains et financiers d’affronter avec succès la concurrence. Avec divers partenaires, nous développons cette coopération à « géométrie variable ». Des projets importants voient le jour : missiles tactiques de troisième génération, lance-roquettes multiples (MLRS), hélicoptère de combat franco-allemand pour les années quatre-vingt-dix, avion de combat européen associant cinq pays… Vous savez également que nous relançons la réflexion en commun dans le cadre commode de l’Union de l’Europe occidentale.
Avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne nos liens sont particulièrement étroits. Notre coopération est entrée dans la phase des réalisations : aussi bien pour l’hélicoptère de combat que pour le projet d’un satellite commun d’observation militaire et un dialogue approfondi sur les concepts stratégiques. Je dirai même que le dialogue stratégique franco-allemand revêt un caractère historique. Aucun des deux partenaires ne renonce aux options fondamentales de sa politique de sécurité. Mais celles-ci laissent place à un champ de coopération étendu, qu’il s’agisse des matériels, par exemple d’hélicoptères de combat, du projet d’un satellite commun d’observation militaire ou de la réflexion en commun sur les concepts, pour laquelle vous le savez, des commissions franco-allemandes de haut niveau ont été instituées. Cette politique s’inscrit d’ailleurs dans la continuité puisqu’elle constitue la mise en œuvre du volet concernant la sécurité du traité de l’Élysée, signé entre le chancelier Adenauer et le général de Gaulle.
Encore deux observations sur la modernisation. À l’évidence, cet effort de modernisation n’aurait pas été possible sans la qualité et le dévouement des hommes employés à notre défense. Je tiens à saluer ici les cadres de nos forces armées. Leur patriotisme est un exemple. Les contraintes personnelles qu’ils savent accepter sont un exemple de l’esprit de service public. Ils montrent leur volonté de s’adapter aux techniques de pointes et d’ouvrir toujours plus l’armée sur la nation.
La réflexion que vous aurez à conduire sur la modernisation de la défense va au-delà de la vie militaire. Ne nous hâtons pas de croire que toute innovation sociale ou technologique conduit à une innovation stratégique. Restons fermes sur ce qu’il y a d’intangible dans notre monde tel qu’il change. Vous devrez prendre la mesure de ce qui bouge dans notre environnement.
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Les orientations que je viens de rappeler sont, et il faut s’en féliciter, comprises et acceptées de l’opinion publique. Celle-ci joue un rôle déterminant dans notre effort de défense et il y a une formation et une information permanente à développer sur ces thèmes. L’implication de notre population, la vigilance dans l’esprit public sont décisives. Elles sont développées de façon significative par ce qu’on appelle souvent « la défense civile » et que j’appellerai volontiers, la protection des populations. Notre objectif n’est pas de consacrer tous nos efforts à une protection massive des populations de façon identique à celle des pays qui ne disposent pas de la dissuasion nucléaire, mais de rassembler les Français pour qu’ils participent activement à la préparation de leur propre défense. Le gouvernement a décidé d’engager un programme de protection des installations vitales contre les effets paralysants de l’impulsion électromagnétique. Nous devons désormais prendre des mesures analogues pour les équipements civils qui conditionnent la continuité de l’action du gouvernement et le maintien en état de fonctionnement des installations nécessaires à la vie du pays. Un autre domaine très important concerne la préparation du pays aux situations de crise, par des exercices interministériels appropriés. Gymont 1984, exercice national de grande ampleur, avait essentiellement pour but de vérifier le bien-fondé des structures et des mesures de défense. Les enseignements recueillis seront pris en compte pour l’exercice Gymont 86. J’ai demandé au secrétaire général de la défense nationale de mettre l’accent, à cette occasion, sur la participation effective des responsables et des élus locaux. Car la défense globale implique la décentralisation des décisions et des réactions, dans le cadre des grandes orientations arrêtées.
Mesdames et Messieurs, assurer la sécurité de la France, c’est défendre notre identité en tant que peuple, notre indépendance en tant que nation, notre espace de liberté dans le monde. J’emprunte ces termes au rapport annexé à la récente loi de programmation militaire. Ils indiquent parfaitement les principaux choix du gouvernement en matière de Défense.
J’ai insisté, devant vous, sur la cohérence qui unit ces choix aux principes généraux que le président de la République a définis et qui animent mon gouvernement : le rassemblement et la modernisation. Cette unité entre politique de défense et politique générale est à l’image du but poursuivi : l’unité entre l’armée et la nation.
Nous avons dans cette tâche de grands devanciers, de Jean Jaurès au général de Gaulle. Notre défense ne repose pas seulement sur nos armes. Elle repose sur nos esprits. La France doit conserver une mémoire fidèle et un patrimoine vivant. Ces exigences dépassent les clivages partisans. Je souhaite que nous enracinions aussi notre politique de défense dans le renouveau du patriotisme et de l’esprit civique. ♦