Les grands problèmes militaires - Montagne et stratégie
Dissertant sur une éventuelle guerre mondiale et considérant la puissance terrifiante des armements modernes, atomiques ou « classiques », la plupart des critiques militaires sont souvent portés à ne songer qu’aux vastes opérations aéro-terrestres ou aéronavales qui doivent balayer, un jour ou l’autre, rivages, villes et civilisations, le point d’application des forces armées se trouvant généralement situé au cœur d’une région propice aux déplacements terrestres rapides ainsi qu’au déploiement d’une aviation considérable, opérations précédées ou ponctuées par les éclairs mortels qui frappèrent déjà les Japonais.
Il est pourtant vraisemblable que l’emploi militaire des explosifs atomiques n’exclura pas toutes les autres formes de guerre. Dès 1946, le général de Lattre de Tassigny écrivait : « Même dans l’hypothèse d’une guerre atomique sans frein, il reste des missions que la bombe atomique n’enlèvera jamais aux armées belligérantes, à savoir, en dernière analyse et au minimum, l’exploitation à terre de ses effets et l’occupation des terrains conquis ». Dans un article sur l’Avenir des Troupes Alpines, paru ici même (1), le commandant de Montjamont notait en outre que « …sans aller jusque-là, il se peut qu’aucun des adversaires n’ose ou ne puisse employer la bombe atomique ou, encore, qu’il ne se produise que des conflits d’envergure limitée, épreuves de force, questions de frontières, incidents d’occupation ou difficultés coloniales ». L’apparition des armes nouvelles ne supprime donc pas pour autant la nécessité des armées et les guerres « traditionnelles » sont toujours possibles ; la guerre de Corée comme la campagne d’Indochine ou celle de Malaisie en sont actuellement la meilleure preuve.
Or, comme le faisait remarquer récemment avec force le général Béthouart (2), « c’est un fait que, loin de disparaître, les opérations en montagne ont pris, au cours des guerres qui ensanglantent l’Europe et le Monde, depuis le début du siècle, une importance accrue et qui, chaque fois que les adversaires ont su ou pu engager sur ce terrain des troupes spécialement entraînées et équipées, conduites par des officiers préparés intellectuellement et techniquement à leurs tâches, les résultats obtenus ont toujours été étonnants et hors de proportion avec les effectifs engagés. Plus que tout autre terrain peut-être, la montagne — où les réactions aux entreprises adverses exigent toujours des délais assez importants — paie largement le chef manœuvrier, habile à se ménager la surprise et prompt à l’exploitation : « La montagne est le terrain d’élection de la manœuvre et la formation montagnarde en est la meilleure préparation » (2).
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