Discours du Premier ministre lors de la séance d'ouverture de la 39e session de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) le 12 septembre 1986.
La politique de défense de la France
Je suis heureux de pouvoir aujourd’hui évoquer devant vous en qualité de Premier ministre, et, en tant que tel, responsable de la défense nationale, les axes de réflexion et d’action du gouvernement, dans ce domaine essentiel pour l’avenir de notre pays.
L’accord profond qui, pour la première fois peut-être dans leur histoire, rassemble les Français sur leur défense doit être impérativement préservé ; d’abord, parce qu’il serait déraisonnable de rompre ce qui a été si long à réaliser, ensuite, parce qu’il constitue un atout exceptionnel pour la France : le crédit international de notre pays est d’autant plus grand que personne désormais ne peut spéculer sur des revirements ou des remises en cause de nos orientations et de notre détermination ; enfin, parce qu’il est le ciment de l’unité nationale et de l’attachement à la patrie.
Une nouvelle loi de programmation militaire
Mais la volonté de préserver cette adhésion des Français aux principes de leur défense exige que le gouvernement entreprenne sans tarder l’effort de modernisation nécessaire. Des retards ont été pris, des décisions essentielles pour l’équipement de nos forces ont été reportées, de nouveaux enjeux militaires sont apparus. C’est pourquoi, dès l’entrée en fonction de mon gouvernement, j’ai annoncé qu’une nouvelle loi de programmation militaire serait mise en chantier, afin d’être déposée au parlement avant la fin de la session d’automne. L’adoption d’une nouvelle loi de programmation militaire répond à une nécessité. Il est clair, en effet, que la programmation actuelle, arrêtée en 1983, ne peut plus constituer une référence pertinente.
Il n’y a pas de politique de défense s’il n’y a pas de continuité dans l’effort ni de définition des grands axes autour desquels la volonté de défense se concrétise. Or, depuis quelques années, les budgets militaires ne progressaient plus, leur part dans la richesse nationale se réduisant même au fil des ans. La programmation devenait dès lors difficile et repoussait les décisions essentielles sur les dernières années d’un plan par ailleurs partiellement financé.
La nouvelle loi de programmation militaire est en cours de préparation. Vous comprendrez que je ne puisse préjuger aujourd’hui des décisions définitives qui seront arrêtées en Conseil de défense et en Conseil des ministres et que j’évoque ici l’essentiel, c’est-à-dire les grandes orientations de notre politique de défense.
Je tiens à dire simplement que la nouvelle loi de programmation militaire arrêtera un plan d’équipement compatible avec les ressources financières que le gouvernement décidera de consacrer à la défense. Elle ne spéculera pas sur d’aléatoires réactualisations qui viendraient apporter demain les crédits qu’on ne peut dégager aujourd’hui. Elle marquera surtout une rupture avec la lente érosion des budgets militaires et permettra de retrouver un rythme suffisant de croissance des crédits. Tel est le sens des arbitrages budgétaires que j’ai rendus cet été pour l’année 1987, première année de la future loi.
Tandis que les dépenses civiles seront réduites en francs constants, première étape dans la réduction du déficit budgétaire et l’allégement des impôts, les dépenses militaires progresseront, elles, de près de 7 %. Mais, alors que les crédits de fonctionnement seront stables, ceux consacrés à l’équipement des forces progresseront de près de 14 % ; fait sans précédent depuis vingt ans, les crédits d’équipement seront supérieurs aux crédits de fonctionnement.
Ainsi se trouvent tracés les axes de notre effort : priorité à un outil militaire crédible face aux menaces, rigueur dans la gestion du fonctionnement courant des armées. Le même souci de rigueur s’imposera dans la recherche du rapport coût-efficacité et de la polyvalence des armements retenus, tandis que la remise en cause des structures et de l’organisation de nos forces, là où peuvent exister lourdeur et surcoût, ne se fera pas au détriment de l’activité opérationnelle de nos unités. Cette politique est conforme, je tiens à le souligner, à notre conception du rôle de l’État : un État qui doit cesser de gérer les tâches qui ne sont pas de sa compétence pour se consacrer à l’essentiel, et, en particulier, garantir l’indépendance et la sécurité du pays.
Les objectifs de notre politique de sécurité
Mais un effort financier pour quelle politique ? J’en viens à présent aux objectifs de notre politique de sécurité.
La dissuasion nucléaire : une priorité
La France doit disposer des moyens de préserver son indépendance et de protéger ses intérêts vitaux face à la menace que continue de faire peser sur son existence même l’énorme arsenal nucléaire, classique et chimique de l’Est. Plus que jamais, nous devons nous montrer vigilants devant l’évolution de notre environnement de sécurité immédiat. Renforcé en première analyse par l’implantation de nouveaux missiles américains en Europe, le couplage stratégique entre les deux rives de l’Atlantique reste menacé par des courants de fond qui pourraient ébranler les délicats équilibres hérités de l’après-guerre. Quant aux efforts de désarmement négocié, la France ne méconnaît pas leur contribution potentielle à la stabilité en Europe et dans le monde et entend y œuvrer activement dans le respect de ses intérêts fondamentaux ; il serait toutefois imprudent de nourrir dans ce domaine des espoirs excessifs. En tout état de cause, les réductions nucléaires doivent porter au préalable sur les arsenaux américains et soviétiques.
La France n’acceptera pas une prise en compte directe ou indirecte de ses forces dans des négociations auxquelles elle n’entend pas se joindre tant que les conditions qu’elle a posées ne seront pas réunies.
Aussi longtemps que nous serons confrontés au surarmement des deux superpuissances et au déséquilibre des forces classiques en Europe, notre sécurité passera par la dissuasion stratégique nucléaire. À cet égard, il convient d’adopter vis-à-vis de l’Initiative de défense stratégique l’attitude responsable et lucide d’un pays qui n’entend pas se déterminer en fonction des lois d’autrui. Autant nous devons participer au grand effort de recherche technologique susceptible d’affecter rapidement les techniques mises en œuvre pour nos armements offensifs comme défensifs, autant il serait déraisonnable d’imaginer qu’il existe pour notre pays, et avant longtemps encore, une alternative à la dissuasion nucléaire.
C’est dire que la première exigence qui s’impose à nous est de maintenir la crédibilité de nos forces stratégiques à un niveau suffisant. Dans ce domaine, la modernisation de notre force océanique stratégique, avec l’équipement en cours en missiles M4 de nos sous-marins, doit être poursuivie avec l’étude et la construction de sous-marins nucléaires dotés de performances accrues. Mais cet effort doit être impérativement complété par la préparation du remplacement des composantes terrestre et pilotée de nos forces stratégiques. C’est pourquoi j’ai déjà souligné la nécessité de lancer sans délai, après examen par les instances compétentes, une nouvelle composante terrestre capable d’échapper à une première frappe adverse. Compte tenu de l’efficacité des armes offensives modernes, la meilleure chance de survie semble devoir en effet être obtenue grâce à un déploiement aléatoire des systèmes majeurs. Cette approche doit être privilégiée par rapport à la voie de la défense antiaérienne élargie qu’il paraît raisonnable de n’aborder qu’avec beaucoup de prudence, les systèmes défensifs ponctuels, dont le coût de développement et de déploiement serait très élevé, risquant en effet d’être saturés ou neutralisés par des contre-mesures appropriées.
Il est également essentiel que notre pays se dote des moyens d’observation par satellite qui lui donneront une capacité autonome d’évaluation des menaces et des crises.
Il reste que les progrès qui seront accomplis dans les technologies spatiales ou autres, dans le cadre notamment de l’IDS dont il faut rappeler qu’elle répond aux efforts engagés depuis longtemps par les Soviétiques, comme dans bien d’autres instances européennes auxquelles nous participons de façon éminente, entraîneront tôt ou tard une évolution des concepts et des armements. La France se doit de rester vigilante : sous peine de rester à l’écart du progrès technologique et de prendre le risque d’un retard qui la rendrait à terme plus vulnérable, elle doit attacher la plus grande attention au maintien des capacités de recherche et de fabrication des industries françaises dans tous les domaines de pointe.
Une solidarité accrue avec nos alliés
Mais la menace de la riposte nucléaire stratégique ne constituant que l’ultime rempart pour sa survie, la France ne peut compter, dans sa stratégie, sur la seule dissuasion si elle veut maintenir son rayonnement et sa capacité d’initiative en Europe et dans le monde. La France est une puissance européenne : à ce titre, elle ne saurait être indifférente au sort de ses voisins dont la sécurité commande, à bien des égards, la sienne. Elle entend être active dans le monde : en conséquence, elle doit exercer ses responsabilités là où elle est présente par ses départements et territoires d’outre-mer, là où des pays auxquels elle est liée par l’histoire et l’amitié l’appellent, là enfin où la survie de son économie peut se trouver compromise par des crises soudaines.
La France y tient une place particulière depuis qu’elle a résolu de se doter d’armes nucléaires et de s’affranchir des contraintes d’une organisation militaire intégrée. Mais cette situation ne modifie en rien les responsabilités qui résultent d’une appartenance pleine et entière à l’Alliance atlantique. L’arrivée à maturité de son effort nucléaire, qui donne à sa dissuasion des instruments plus diversifiés, et la prise de conscience accrue de la dimension européenne de sa sécurité, lui permettent d’explorer en toute indépendance les voies et moyens d’un renforcement de la dissuasion en Europe. Je tiens à dire ici que, si la survie de la nation se joue aux frontières du pays, sa sécurité, elle, se joue aux frontières de ses voisins.
Il ne faut pas que l’adversaire puisse espérer contourner la dissuasion nucléaire en déclenchant des actions soudaines ou imprévues.
Il convient de ne pas lui donner la tentation de réaliser rapidement un gain territorial qui mettrait l’Alliance en difficulté. Les situations de crise, auxquelles nous devons nous préparer afin que la dissuasion ne soit pas mise en défaut, sont, il est vrai, largement imprévisibles : c’est pourquoi la France attache tant de prix à conserver sa liberté d’action et à ne pas figer l’emploi de ses forces dans des engagements automatiques qui pourraient se révéler inadaptés.
Une telle préoccupation ne signifie nullement que la France se déroberait à ses responsabilités : bien au contraire, située quelque peu en retrait de la menace militaire la plus pressante, prémunie des risques de chantage nucléaire par ses propres forces stratégiques, s’appuyant sur un large consensus intérieur, elle doit pouvoir afficher en cas de crise une très grande détermination à peser de tout son poids en faveur de la dissuasion. Celle-ci, en Europe, qu’on le veuille ou non, passe par le couplage entre la manœuvre des forces classiques et la menace de recours aux armes nucléaires. Nous sommes, pour notre part, déterminés à tirer les conséquences de cette réalité : la France entend être en mesure de délivrer à l’agresseur éventuel un avertissement nucléaire dont le lieu et le moment dépendront du déroulement du conflit. Entre les mains du président de la République, chef des armées, qui en appréciera la nécessité en fonction de la situation politique et militaire, cet avertissement aura pour objectif non seulement d’adresser un signal sans équivoque à l’agresseur, mais aussi d’enrayer la dynamique de l’agression : il pourra donc, en cas de besoin, être diversifié et échelonné dans la profondeur. La France a indiqué publiquement qu’elle consulterait, dans les limites qu’impose l’extrême rapidité de telles décisions, son alliée, la République fédérale d’Allemagne, au cas où elle envisagerait d’utiliser des armes préstratégiques sur le territoire allemand. Il est clair que les conditions mêmes de la dissuasion font, qu’en la matière, la décision ne peut être partagée.
En outre, l’organisation de nos forces conventionnelles doit être telle qu’elles puissent intervenir efficacement dans les plus brefs délais possibles. Dans cette perspective, nous sommes prêts à examiner, en cas de besoin, si les conditions de conjugaison de nos forces, pour reprendre l’expression du général de Gaulle, avec celles de nos alliés, répondent bien à cette préoccupation. Les choses étant ce qu’elles sont en Europe, le facteur temps serait, en cas de crise ou dans un conflit ouvert, une dimension décisive, l’une des superpuissances cherchant à tirer parti de la proximité géographique et de l’effet de surprise pour contrer l’extraordinaire capacité de projection de forces de l’autre. Dans cette bataille de délais et de renforcements mutuels, la France, seule réserve de profondeur de l’Alliance, protégée de surcroît par ses forces nucléaires, peut jouer à l’évidence un rôle capital.
Comme vous le voyez, la France est prête à marquer davantage encore sa solidarité avec ses voisins européens. Elle ne voit pas de contradiction entre l’indépendance de décision qu’elle souhaite sauvegarder et la volonté de solidarité qu’elle entend exprimer. Plus personne ne conteste en effet que la synergie des puissances nucléaires présentes en Europe de l’Ouest est maximale lorsque chacune conserve sa liberté d’appréciation et de décision.
Mais notre volonté de solidarité ne pourra s’épanouir que si elle rencontre des échos concrets chez nos partenaires. Je pense, en tout premier lieu, à la République fédérale d’Allemagne, avec laquelle nous sommes appelés à conserver des relations privilégiées. Pourvu que chacun respecte les options fondamentales de l’autre et s’attache à rechercher la plus grande complémentarité possible au service d’intérêts de sécurité qui, pour l’essentiel, sont communs aux deux pays, la France est toute disposée à étudier avec la RFA les moyens de progresser ensemble sur la voie ouverte dès 1963 par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer. La démarche doit être pragmatique et il convient, en particulier, de ne pas s’égarer dans des débats stériles sur l’extension éventuelle de notre garantie nucléaire. Même dans un concept strictement national, nos forces apportent en effet une contribution décisive à la dissuasion en Europe occidentale dès lors que l’adversaire potentiel considère celle-ci comme un ensemble indissociable : c’est à nos deux pays de faire en sorte que l’approfondissement de nos relations dans tous les domaines, et l’imbrication des intérêts qui en résulte, rendent vaine toute espérance de les diviser.
Le tableau est-il satisfaisant en ce qui concerne les relations que nous entretenons avec les autres alliés dans le domaine de la sécurité ? Les États-Unis d’Amérique, sur lesquels pèsent les responsabilités les plus lourdes en matière de défense ; le Royaume-Uni, avec lequel notre coopération, si étoffée soit-elle, pourrait connaître un nouvel élan sur la base de très nombreux intérêts communs, pour peu que nos deux peuples surmontent les réflexes hérités d’une longue tradition de rivalité, qui, aujourd’hui encore, nuisent parfois à la qualité de nos relations ; nos voisins du sud, Espagnols et Italiens en particulier, avec lesquels nous partageons des préoccupations de plus en plus évidentes dans le Bassin méditerranéen ? La réponse ne dépend pas que de nous, mais je crois utile de livrer cette question à vos réflexions.
Une stratégie d’action dans le monde
Les Français n’ont jamais oublié qu’ils ne devaient pas avoir les yeux rivés sur la ligne bleue des Vosges ou sur l’Elbe. Leur sort peut se jouer également dans le golfe Arabo-Persique, en Méditerranée ou dans l’océan Indien : ils savent que la menace, qui est multiforme, peut aussi venir de la mer, qui recouvre plus des deux tiers de la surface du globe. Ils sentent bien que le déséquilibre qui s’établit, sur le plan démographique comme sur le plan économique, entre l’Europe et les pays du Sud peut devenir, à la longue, un facteur de tension préoccupant.
Or, en dépit de quelques signes favorables, tels que les progrès de l’idée démocratique dans certains pays du Tiers-Monde, des tendances puissantes continuent à s’exercer au détriment de notre sécurité. L’URSS et ses alliés maintiennent, par la force, leur présence en Afghanistan et au Cambodge. Au Moyen-Orient, les passions nationales et religieuses conduisent à l’aggravation de crises, dont l’issue semble toujours aussi lointaine, comme au Liban ou dans le conflit Irak-Iran ; elles portent certains groupes, voir des États, à des comportements qui sortent totalement des normes du droit international, tels que le chantage, le terrorisme ou la prise d’otages. Ce ne sont plus seulement les intérêts mais parfois la vie de nos concitoyens qui s’en trouvent menacés. Force est donc de constater que la dissuasion, qui a préservé la paix en Europe, n’empêche pas les stratégies indirectes de se développer dans de nombreuses régions. Chacun peut observer que les foyers de crise existants ou potentiels se multiplient.
La France n’a d’autre ambition que de sauvegarder ses intérêts essentiels, défendre ses amitiés et contribuer à maintenir la paix en prévenant l’apparition de troubles majeurs. Elle doit utiliser l’atout que constitue sa présence permanente dans les départements et les territoires d’outre-mer, notamment dans l’océan Indien, le Pacifique, les Antilles et la Guyane. D’une manière générale, cette politique doit s’épanouir d’abord dans la coopération diplomatique, économique et culturelle avec tous les États concernés.
Mais l’expérience montre que la dimension de sécurité ne doit jamais être oubliée. Nous devons donc disposer d’une gamme de moyens, aussi large que possible, allant de l’assistance militaire et la formation des cadres aux forces d’intervention à longue distance. Je tiens à rappeler notre responsabilité particulière en Afrique où, du fait des liens privilégiés que nous entretenons avec de nombreux pays de ce continent, nous pouvons être amenés à intervenir, à leur demande, pour les aider à assurer leur sécurité extérieure. Je veux souligner ici l’intérêt de disposer de forces de présence, stationnées en permanence à proximité des zones sensibles, dans des pays amis. Le risque n’est évidemment pas le même pour un perturbateur éventuel selon que le « facteur » français entre déjà en ligne de compte ou lui paraît seulement virtuel.
Mais le prépositionnement ne suffit pas. En vue de prévenir les crises ou, le cas échéant, d’y faire face efficacement, il nous faut des forces aéroterrestres mobiles et bien équipées, servies par des professionnels, aptes à se projeter vite et loin dès que la nécessité s’en fait sentir, ainsi qu’une capacité d’action maritime suffisante pour protéger notre autonomie de décision. Dans ce domaine, le gouvernement est préoccupé par le vieillissement excessif de notre flotte de surface. Alors même qu’aux côtés des autres armées, la marine a démontré ces dernières années le rôle qu’elle pouvait jouer dans les situations de crise, elle se trouve aujourd’hui confrontée à des exigences de renouvellement qui touchent l’ensemble de ses composantes. Je ne puis dissimuler la gravité du problème posé par les retards accumulés dans ce secteur essentiel. Le gouvernement est conscient de la nécessité de renouveler la flotte et d’en préserver l’équilibre d’ensemble. La loi de programmation qui sera présentée au parlement dans les prochaines semaines reflétera cette double préoccupation.
Sécurité du territoire et esprit de défense
Je ne puis terminer sans évoquer les menaces qu’une stratégie directe ou indirecte, exercées par des États ou par des groupes soutenus par eux, peut faire peser, à l’intérieur de nos frontières, sur nos populations et sur les installations vitales de notre territoire. Cette menace peut s’exercer par l’intermédiaire d’actions militaires, mais aussi par le terrorisme, véritable acte de guerre qui attend ses succès de la peur individuelle et collective qu’il provoque au sein d’une population à laquelle il s’attaque en tentant de la placer en situation d’otage virtuel. Tout doit être mis en œuvre pour réduire de telles menaces et diminuer ces vulnérabilités nouvelles qui cherchent à déstabiliser l’État et à affaiblir la volonté de résistance de la nation.
Je souhaite que vous puissiez engager une réflexion approfondie sur l’organisation actuelle des responsabilités et des moyens de la défense civile et de la défense opérationnelle du territoire, toutes deux conçues pour parer à des formes de menaces qui, aujourd’hui, s’intensifient et se diversifient. Le fondement de notre sécurité repose avant tout sur l’esprit de défense de la nation, expression de sa volonté de survie et d’indépendance. Je vous invite à accorder aux conditions de son renforcement une place privilégiée dans vos travaux.
Conclusion
Je suis heureux d’avoir pu saisir l’occasion de l’ouverture de cette session de l’IHEDN pour tracer devant vous les lignes de force de notre politique de défense. Les fondateurs de l’Institut, qui fête cette année son cinquantenaire, avaient vu juste en voulant associer responsables militaires et civils de toutes origines dans une réflexion ouverte et constructive sur la défense du pays. L’expérience a montré que ces échanges de vues, déjà intéressants en eux-mêmes, contribuent en outre à tisser des liens durables entre les forces vives de la nation.
La défense est l’affaire de tous et j’ai rappelé tout à l’heure l’atout que constitue, pour notre pays, l’accord profond des Français sur la politique de sécurité. À coup sûr, l’Institut y aura largement contribué. Nos cadres militaires, qui y participent comme auditeurs ou conférenciers, font partager leurs préoccupations de défense et s’enrichissent des expériences et des critiques des responsables civils. Ceux-ci, à leur tour, sont appelés à mieux prendre conscience, dans la diversité de leurs domaines de compétence, des impératifs de défense. Ils y découvrent également que nos armées, loin d’être coupées de la nation, en constituent au contraire une expression fidèle et vivante.
De notre histoire, parfois douloureuse, souvent glorieuse, se dégage le même enseignement : lorsque la France relâche son effort de défense, ce n’est pas seulement sa propre sécurité qui est atteinte, c’est l’équilibre européen et la stabilité de certaines régions du monde qui risquent d’en souffrir. C’est dire qu’il n’y a pas d’alternative à l’effort. « Grandir sa force à la mesure de ses desseins et ne pas attendre du hasard ni des formules ce qu’on néglige de préparer », telles sont les leçons du général de Gaulle dont j’entends, avec mon gouvernement, m’inspirer au cours des prochaines années.