Le cinquantenaire des Hautes études de défense nationale
Il y a cinquante ans, le 14 août 1936, un décret créait le Collège des hautes études de défense nationale. Il avait pour mission de rassembler des officiers supérieurs des trois armées et de hauts responsables civils des différents ministères. La direction en fut confiée à l’amiral Raoul Castex, auteur de nombreux ouvrages de stratégie militaire, « seul officier général à avoir l’envergure intellectuelle et la réputation requise pour une telle fonction ». Il s’agissait à la fois de « développer chez tous, militaires et civils, la notion de guerre totale, et de faire pénétrer chez les fonctionnaires civils, l’esprit de défense nationale ».
Quand, après une interruption due à la Seconde Guerre mondiale, l’Institut, succédant au Collège, fut créé par décret du 30 janvier 1949, la participation en fut ouverte encore plus largement à des responsables civils non-fonctionnaires, venant de tous les secteurs d’activité de la nation. L’Institut, fidèle à l’idée qui avait présidé à la création du Collège, prenait alors son visage définitif. Cette idée de base s’est d’ailleurs trouvée exprimée avec force et clarté dans l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation de la défense : « La défense a pour objet d’assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toute forme d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire ainsi que la vie de la population… La défense est permanente, sans distinction entre-temps de paix et temps de guerre… La défense est globale, elle doit s’exercer dans tous les domaines d’activité du pays… ».
Dès lors, l’Institut devient, pour l’ensemble de la défense, tant militaire que civile, dans les domaines économiques, sociaux, culturels et autres, un lieu de rencontre entre des officiers supérieurs, de hauts fonctionnaires et des cadres supérieurs de la nation, tous solidairement responsables de la défense globale, à la recherche de la cohérence d’ensemble de cette défense.
Ce lieu de rencontre est celui d’une information générale de défense apportée par des conférences de très haut niveau de personnalités de renom de toutes origines et par des visites d’installations civiles et militaires. C’est aussi le lieu d’une réflexion en commun, au sein de comités d’étude, réalisant un mélange des auditeurs, où chacun apporte ses compétences professionnelles, son expérience et ses idées, dans un climat traditionnel de liberté d’expression, de respect pour l’opinion d’autrui et de tolérance. Il est pour beaucoup d’auditeurs un lieu de découverte : entre eux, les cloisonnements professionnels ou philosophiques tombent, l’estime réciproque s’établit devant la bonne volonté, la bonne foi, la compétence et l’intelligence. Une véritable fraternité se crée, au-dessus de tous les clivages. La recherche va davantage vers ce qui rassemble que vers ce qui sépare. Un consensus s’établit sur ce qui apparaît comme l’essentiel, la défense de la communauté française, de son identité, de sa liberté et de sa puissance.
Après les trois sessions du Collège, l’Institut a organisé 38 sessions nationales et 86 sessions régionales. Les auditeurs se sont rassemblés dans 26 associations fédérées en une union qui atteint aujourd’hui près de 5 000 membres. Au sein de leurs associations respectives, les auditeurs maintiennent et développent les liens d’amitié qui se sont noués entre eux et avec leurs cadres civils et militaires de l’Institut au cours des sessions. Cette vie amicale intense assure aux associations leur forte cohésion.
Mais la mission essentielle des auditeurs reste pour eux, après leur passage à l’Institut, au sein de leurs associations, et à titre personnel dans leurs milieux respectifs, d’assurer la diffusion de l’information et de l’esprit de défense parmi leurs concitoyens. Certains occupent dans les partis politiques, les syndicats, les organisations professionnelles, les ministères, les administrations, les médias, les industries, les universités… des fonctions liées à la défense. Ils assurent dans ces milieux la nécessaire prise en compte des impératifs de défense dans les choix et dans les décisions… Certains écrivent des ouvrages et des articles.
Ils trouvent dans leurs associations qui organisent conférences, colloques, visites et voyages d’étude, les moyens d’approfondir et de tenir à jour leurs connaissances en matière de défense. Ils y trouvent aussi la possibilité de poursuivre, au sein de groupes de travail, leur réflexion sur des sujets de défense, civils et militaires. Ces travaux d’étude cherchent à analyser les rapports de forces dans le monde, à détecter nos vulnérabilités, à évaluer les menaces et à proposer des parades et des ripostes. La pluridisciplinarité de ces travaux collectifs, assurée par la grande diversité des origines des auditeurs, en constitue le principal intérêt.
Les associations assurent ainsi un rôle de veille et de proposition contre toutes les menaces, qu’elles soient internes ou externes, directes ou indirectes, violentes ou insidieuses, qu’elles soient militaires, sociales, économiques, psychologiques ou culturelles. Une revue Défense rend compte de ces travaux.
Les civilisations sont mortelles, a dit Malraux. Si l’on n’y prend garde, les nations peuvent mourir. Le destin de la France exige que les citoyens soient lucides et résolus. L’Institut des hautes études de défense nationale et les associations d’auditeurs qui prolongent son action, y contribuent. ♦