L'auteur traite ici des problèmes posés par l’équipement de l’Armée de l’air, dès le milieu de la prochaine décennie, en avions de nouvelle génération : avions de combat mais aussi de transport. L’étude qu’il nous livre, très complète et très prospective, se termine par un avertissement : il faut savoir ce que l’on veut si on souhaite que la France reste une puissance au rayonnement mondial.
Fait aérien et avions futurs
Deux écueils guettent plus particulièrement l’aviateur qui entreprend de disserter sur le fait aérien : d’abord de trop privilégier ce en quoi les progrès de la technologie semblent primer la stratégie (ou, tout au contraire, de s’efforcer de plier l’évolution des matériels à celle des concepts) ; en second lieu de risquer d’être taxé de corporatisme dès lors que, tentant d’exprimer la défense et l’illustration de systèmes d’armes plus spécifiques de son armée que des autres, la finalité de son propos peut apparaître comme étant de rentrer dans ce que l’on appelle en milieu militaire des « querelles de boutons ».
S’agissant du premier point, je crois qu’il faut s’évertuer à être pragmatique : les concepts, issus des stratégies, elles-mêmes conséquences de choix politiques, sont une chose ; les progrès de la science et de la technique, susceptibles de mettre à la disposition des utilisateurs de nouveaux matériels, en sont une autre. La pérennité de certains principes semble assurée quelle que soit l’évolution constatée, au fil des siècles, dans le domaine des armements. Je pense, notamment, à ceux que l’on retrouve chez les plus grands penseurs militaires, de Sun Tse à Clausewitz : « Attendre que l’ennemi soit vulnérable pour l’attaquer en étant sûr de la victoire » ; « Si l’ennemi est fort et soi-même faible : se retirer momentanément et se garder de tout engagement » ; « Primat stratégique de la défensive » (1). L’émergence de technologies originales, menant à la mise au point — et à l’utilisation — de nouvelles armes a de tout temps conduit à l’évolution, voire au bouleversement des concepts tactiques. Elle ne semble en revanche jamais avoir eu d’impact tangible sur les stratégies, dans la mesure où celles-ci étaient liées à des situations géopolitiques ou, parfois, à des ambitions se situant bon gré mal gré au cœur de telles situations.
On m’objectera : « Et l’invention de la poudre à canon ? » Je répondrai par une question : en quoi l’apparition des armes à feu, et tout spécialement celle de l’artillerie, ont-elles modifié fondamentalement en Europe la stratégie de duel existant à l’époque entre l’Angleterre, puissance insulaire, et la France, puissance continentale, et ce tout au long des siècles qui suivirent ces apparitions ? Il a fallu attendre l’émergence politique de l’Allemagne en tant que nation pour que changent les termes de ce duel et pour que l’on assiste à une complète remise en cause des stratégies anglaises et françaises.
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