Président de la Fondation pour les études de défense nationale (FEDN), l'auteur a bien voulu nous permettre de publier ses réflexions sur cette guerre médiatique qui, sans qu'on le perçoive toujours clairement, prend une importance démesurée, d'autant plus qu'habilement conduite, elle risque de placer nos démocraties dans une réelle situation d'infériorité. L'avertissement doit être entendu et médité.
La guerre médiatique
Tout le monde s’accorde, en Occident, pour reconnaître à M. Gorbatchev un remarquable talent médiatique et un impact exceptionnel sur nos opinions publiques. Dans la conduite de la politique étrangère de l’URSS, au service de la défense des intérêts supérieurs de l’État soviétique, en poursuivant les objectifs permanents du marxisme-léninisme contre « l’impérialisme et le capitalisme » occidentaux, le Premier secrétaire nous apporte chaque jour une nouvelle preuve de parfaite maîtrise des méthodes et procédés propres à agir efficacement sur la psychologie de nos sociétés démocratiques. Il sait comment flatter nos désirs et nos penchants ; il exploite nos vulnérabilités, nos faiblesses de caractère, et nos appétits économiques.
En fait, sa stratégie de communication s’adresse plus à nos sentiments qu’à nos capacités de raisonnement, à nos réactions passionnelles qu’à notre bon sens. Il sait pouvoir bénéficier en cela de l’extraordinaire effet de levier que représentent les médias modernes omniprésents dans une civilisation occidentale dominée par l’image, le verbe et la publicité.
L’exemple actuel des négociations sur la suppression des armements nucléaires de portée intermédiaire en Europe en offre une illustration frappante. Nous pouvons observer comment l’Union Soviétique parvient, contre toute évidence, à occulter les réalités les plus avérées comme celles de l’accumulation croissante d’armements offensifs de plus en plus modernes, et du maintien de dispositifs militaires menaçants à proximité du rideau de fer. Quelle extraordinaire performance politique et médiatique que celle qui réussit à tenir en haleine les opinions publiques occidentales, à monopoliser l’initiative diplomatique, à entretenir un sentiment général d’infériorité stratégique ! Nos peuples le ressentent confusément car, en dépit des rassurantes déclarations de leurs dirigeants, ils savent que les deux univers demeurent asymétriques et que, derrière ses déclarations lénifiantes, l’Est n’a jamais renoncé aux moyens de la puissance militaire et à l’effet d’intimidation qu’ils ne manqueraient pas d’exercer sur nos opinions fragilisées en cas de crise politique grave en Europe. On ne peut s’empêcher d’admirer la perspicacité des analyses, la subtilité des procédés et la maîtrise des techniques qui convergent vers le but affiché de l’Union Soviétique, l’objectif idéal de plusieurs générations de dirigeants communistes : la victoire sans guerre. Nous avons donc là une première occasion d’observer et d’étudier, in vivo, le déploiement d’une véritable stratégie de la communication. La « guerre médiatique » est parfaitement intégrée à la stratégie générale soviétique.
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