La pensée militaire française au sein de la force atlantique
On a pu lire récemment dans un grand quotidien, sous la signature d’un officier général de rang élevé, que l’armée française était à la recherche d’une doctrine.
Ayant subi une atteinte profonde en 1940 et mesurant les contradictions qu’a fait éclore une guerre toute récente, la pensée militaire française manque peut-être actuellement d’assurance dans son expression. Elle attend le conducteur qualifié qui l’aidera à se dégager définitivement du passé et à s’engager sur des sentiers nouveaux. Mais, cette constatation étant faite, on peut se demander si une doctrine de guerre se recherche vraiment et si l’on ne doit pas plutôt considérer qu’elle est enfantée naturellement à une époque donnée par la pensée militaire, fille elle-même de la pensée tout court, telle que celle-ci se concrétise alors en ses idées maîtresses ? Lorsqu’on admet, avec Clausewitz, que la guerre est un acte de la vie sociale, cette dépendance est certaine. Mais cela ne va pas sans présenter un réel danger. La pensée, en effet, peut suivre arbitrairement des voies spéculatives, indépendantes du monde extérieur. À la guerre, qui se joue à deux, où les actes ont des conséquences immédiates et décisives, toute erreur de raisonnement est fatale. Une doctrine fort séduisante à l’esprit peut s’avérer fausse dans l’application et provoquer une catastrophe irréparable. C’est pourquoi la pensée militaire, tout en s’élevant, doit s’évader du passé et de ses dogmes, s’affirmer réaliste et s’ouvrir largement sur les événements du monde.
C’est ce qu’avaient bien compris les Allemands. Leur pensée militaire a suivi durant plus d’un siècle une courbe régulièrement ascendante, enfantant une doctrine de guerre qui a failli assurer à l’armée allemande une hégémonie définitive dans le monde. Lentement élaborée par Moltke et Schlieffen, basée sur l’utilisation de toutes les ressources disponibles de la Nation, sur la recherche d’une décision immédiate, cette doctrine a évolué rapidement vers la guerre totale dont Ludendorff, élève de Schlieffen, se fit avant 1939 le théoricien vigoureux et implacable.
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