L'auteure nous apporte des informations peu connues sur une ethnie nicaraguayenne qui a toujours recherché son autonomie quel que soit le pouvoir en place. Ce texte sera également publié dans la revue d'anthropologie mexicaine Mexico Indigena.
Minorités ethniques et sécurité nationale : le cas des Miskitos au Nicaragua
Depuis le début des années quatre-vingt, de nouveaux acteurs s’affirment sur une scène de plus en plus préoccupante pour la communauté internationale : les Indiens en Amérique centrale et, en particulier, les Miskitos du Nicaragua, dont le monde entier a découvert l’existence à la faveur de l’engagement d’une partie d’entre eux dans une lutte politico-militaire soutenue ouvertement par les États-Unis contre le gouvernement sandiniste, gouvernement révolutionnaire en processus d’institutionnalisation, arrivé au pouvoir en 1979 après la chute du dictateur Somoza.
La question miskita illustre comment un problème de minorité ethnique peut s’internationaliser avant même d’avoir été perçu comme un problème national. Les Sandinistes ont fait les frais des graves insuffisances théoriques et pratiques de la gauche latino-américaine concernant la question indienne. Incompréhensions, erreurs, abus de pouvoir, déplacements forcés, violations des droits de l’homme, caractérisèrent les premières années de pouvoir sandiniste sur la côte Atlantique (1). Il a fallu que les Miskitos s’intègrent massivement à la lutte armée, mettant en danger la sécurité nationale, pour que les nouveaux dirigeants changent d’attitude à leur égard, et optent pour une solution politique et non plus militaire du conflit ethnique. L’autonomie, considérée comme « séparatiste » il y a encore quelques années, devient désormais « révolutionnaire » (2).
L’attachement des Indiens Miskitos à leur autonomie n’est pas nouveau. Depuis l’arrivée des Espagnols en 1523, ils ont toujours résisté à la soumission totale, s’alliant tantôt avec les pirates et flibustiers anglais, français et hollandais, avec lesquels ils faisaient du commerce, tantôt avec les colonisateurs anglais, mais jamais avec les Espagnols auxquels ils opposèrent inlassablement une résistance farouche. Bien que les Miskitos se partagent la côte Atlantique nicaraguayenne avec d’autres peuples indiens (Sumu, Rama), des créoles (populations noires et mulâtres), des métis et des Garifunas (3), leur tradition de résistance les a toujours placés au premier plan des affrontements et des processus de négociations, ce qui leur a permis de conserver une relative liberté de manœuvre pendant une bonne partie de leur trajectoire historique, en utilisant habilement pour la préserver les rivalités entre la couronne britannique et l’Espagne (et actuellement la guerre Sandinistes-Contras).
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