Après les actes du colloque « La France dans le Pacifique », nous publions deux articles relatifs à cet ensemble Asie-Pacifique qui prend de plus en plus d'importance dans la stratégie mondiale. Le premier, écrit par un ancien attaché des forces armées en république populaire de Chine, traite des relations délicates entre le Japon et l'URSS.
Japon-URSS : le chaud et le froid
« Dans le monde actuel, les relations entre l’Union Soviétique et le Japon ne peuvent pas être pires ». La constatation est d’Anatoly Dobrynine, ex-ambassadeur d’URSS à Washington devenu directeur du département international du parti communiste soviétique. L’influent conseiller de Mikhaïl Gorbatchev s’exprimait ainsi en juillet 1987, un an après le discours-programme de Vladivostok. Et les rapports entre les deux pays ne se sont guère améliorés jusqu’en ce début de 1988. Malgré ses frictions croissantes avec l’allié américain, le Japon est peut-être ainsi le seul grand pays encore réfractaire à la politique soviétique de détente.
Éclaircie en 1986
Il y avait pourtant un paragraphe « Japon » dans la nouvelle stratégie extérieure appliquée par M. Gorbatchev à partir de juillet 1985. Après le remplacement du ministre des Affaires étrangères Andrei Gromyko — « M. Niet » refusait d’aller à Tokyo depuis 1976 — par Edouard Chevardnadzé et le départ du rigide Boris Ponomarev (auquel succéda Anatoly Dobrynine), un ambassadeur japonisant fut envoyé à Tokyo. Et dès janvier 1986, Chevardnadzé ouvrait la voie en se rendant au Japon, ce qui amènera en retour, en mai, la visite à Moscou de son homologue japonais Shintaro Abe.
Au cours de ces deux contacts, la partie soviétique accepta, dans une concession de pure forme, de parler de l’obstacle n° 1 à la négociation d’un traité de paix et à un rapprochement : le statut des Kouriles du Sud, traditionnellement japonaises mais annexées par l’URSS en 1945. Rappelons que ces « territoires du nord » (pour le Japon), situés à proximité de Hokkaido, comprennent les îlots Habomaï, la petite île de Shikotan et les deux îles plus grandes de Kunashiri et Etorofu. Dans sa conférence de presse du 19 janvier à Tokyo, M. Chevardnadzé précisa cependant à propos de la « question territoriale » : « … Cette question a été posée par la partie japonaise et nous y avons répondu en conséquence. Notre position est connue. Elle a été encore récemment exposée par les dirigeants de notre parti et de notre État aux représentants nippons. Nous avons souligné que si l’on aspirait réellement à améliorer nos relations, il importait de rester sur le terrain des réalités… ». Et un peu plus loin : « … C’est le problème sur lequel nous n’avons pas réussi à nous entendre. Quant à la conception des justifications juridiques et historiques de la position soviétique, chez nous, rien n’a changé à ce propos… ».
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