Historien et spécialiste des relations internationales, l'auteur nous fait part de ses réflexions sur les conséquences de l'accord Reagan-Gorbatchev sur la défense de l'Europe, et évoque tout spécialement l'attitude de la République fédérale d'Allemagne (RFA). Il fait de plus quelques suggestions judicieuses sur ce que devrait être la politique française face à ce nouveau contexte.
L'accord sur les Forces nucléaires à portée intermédiaire (INF), le problème stratégique allemand et la France
Il ne faut se faire aucune illusion sur la portée de l’accord INF du 8 décembre 1987 et ses répercussions sur la République fédérale ; celle-ci perd, avec la suppression des Pershing II et des missiles de croisière, mais aussi des Pershing I appartenant à la Bundeswehr, quelque chose qu’elle avait cherché à obtenir depuis son entrée dans l’OTAN en 1955 : la présence, sur le sol allemand, de moyens nucléaires alliés menaçant le sol soviétique. En l’absence d’armements nucléaires nationaux, c’était la meilleure façon de lui assurer le bénéfice de la dissuasion nucléaire.
Passé le premier temps d’euphorie, le problème stratégique de la garantie nucléaire dont doit bénéficier la RFA ne manquera pas de se poser à nouveau tôt ou tard. Mais d’ici là nous vivrons les suites politiques et militaires de l’accord du 8 décembre : tout d’abord une très forte pression, de la part des pays de l’Est, mais aussi en Allemagne même, pour passer à l’étape suivante, celle de l’élimination des armements nucléaires à courte portée ; ces derniers, qui visent le sol des deux Allemagnes, inquiètent évidemment la RFA. C’est là un fait psychologique et politique : l’argument militairement valable, selon lequel ces armements nucléaires à courte portée sont indispensables pour dissuader les Soviétiques de procéder à des concentrations de forces qui faciliteraient la percée en cas de guerre, a peu de chances d’être entendu dans le climat actuel.
On peut compter sur les Soviétiques pour exploiter cette situation et pour proposer la suppression ou même simplement, comme l’a fait Honecker, la non-modernisation de ces forces. On pose ainsi un grave problème à l’OTAN, on crée un vide nucléaire en Allemagne, on fait de la RFA une zone distincte au sein de l’OTAN : au bout du chemin on entrevoit le découplage militaire et politique entre la RFA et ses alliés.
Il reste 87 % de l'article à lire
Plan de l'article