L'auteur, toujours passionné par les questions de stratégie navale, aborde dans le texte ci-dessous un sujet dont on a peu parlé récemment et qui revêt pourtant une importance majeure dans la défense du Vieux Continent : le flanc Nord de l'Europe, espace maritime souvent inhospitalier bordant des pays nordiques dont la politique nous laisse parfois perplexes.
Le flanc Nord de l'Europe
Au début des années 70, l’ambassadeur américain à Oslo cherchait en vain des personnalités officielles voulant bien venir faire une visite en Norvège. Aujourd’hui son successeur serait plutôt aux prises avec le problème inverse : diplomates et militaires américains se succèdent à intervalles rapprochés (1). Illustration symbolique d’une évolution stratégique capitale : la découverte du flanc Nord de l’Europe, trop longtemps négligé au profit du front central (l’Allemagne) et du flanc Sud (la Méditerranée).
Jusqu’aux années 80, les analystes parlaient de la ligne GIUK : Greenland-Iceland-United Kingdom. Dès lors que la défense de l’OTAN se situait sur cette ligne, il était implicitement admis que l’espace maritime situé plus à l’est se trouvait en fait abandonné à la marine soviétique. La défense de l’avant, qui constitue la doctrine officielle de l’OTAN sur le front central, n’était donc pas la règle sur mer. La mer de Norvège devenait une mare sovieticum. De 1975 à 1985, les porte-avions américains n’y ont totalisé que 31 jours de présence, principalement à l’occasion de détours lors de leurs transits vers la Méditerranée (2). À la fin des années 60, il avait même été question de retirer l’escadron d’avions de chasse basé en Islande, et seule l’intervention du département d’État avait fait échec à cette initiative de l’armée de l’air américaine (3). Aujourd’hui, les stratèges de l’OTAN s’intéressent passionnément au flanc Nord et l’on assiste, à côté d’un flot de publications, à la multiplication des exercices, à la conclusion d’accords sur l’acheminement des renforts et, en face, à la relance des projets de zone dénucléarisée en Europe du Nord.
Ce regain d’intérêt a des causes multiples. Il y a d’abord une plus grande attention des pays nordiques à l’égard de leur défense, notamment maritime, en raison de l’évolution du droit de la mer qui les a conduits à se doter de zones économiques pour protéger des ressources halieutiques surexploitées (4), de l’importance de plus en plus grande du pétrole offshore (5) et aussi de leur inquiétude face aux agissements navals de l’URSS (le « Whiskey on the rocks » échoué malencontreusement dans les eaux territoriales suédoises avec des torpilles nucléaires à bord et les multiples incursions de sous-marins dans les eaux suédoises ou norvégiennes ont eu un grand retentissement et contribué à dissiper beaucoup d’illusions sur l’URSS) ou des États-Unis (les déploiements plus fréquents de navires américains ne sont pas toujours très bien perçus). D’où un effort de modernisation des forces locales et une réaffirmation de leur appartenance à l’Alliance par le Danemark, la Norvège et l’Islande.
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