Politique et diplomatie - Interdépendance économique et souveraineté
« Nos querelles sont grammairiennes », soutenait Montaigne. Il est d’ailleurs heureux qu’il en soit ainsi, car nous savons depuis le Cratyle de Platon que le langage n’est pas seulement l’expression de la pensée. Dans le sujet qui nous occupe, mieux vaut sans doute faire référence à Hermès : en qualité d’interprète de la volonté de l’Olympe n’établit-il pas une étroite relation entre le langage et le commerce dont il est le dieu tutélaire ? Nous inciterait-il, parce que les échanges économiques et notre vie politique sont fort intriqués, à émonder notre langage en écartant le mot indépendance en raison des illusions qu’il sécrète ? Nul doute que le vocabulaire politique aurait besoin d’être soigneusement débroussaillé, mais de telles prophylaxies ne se justifient que par leur efficacité et à condition qu’elles n’entraînent pas de plus graves désordres.
La référence à l’idée d’indépendance nationale n’apparaît que dans la Constitution de 1958 (Titre II, art. 5). Toutes les précédentes ignorent le mot, leurs auteurs considérant probablement que la préoccupation qu’il traduit allait de soi et qu’il incombait tout naturellement à l’État d’y être attentif. Il leur suffisait que les murs fussent bons pour nous préserver des intempéries, pourquoi aurait-il fallu de surcroît insister sur leur fonction première ?
En greffant ce mot dans notre appareil constitutionnel, le gaullisme entendait rendre indélébile ce qui motiva sa naissance et justifia son action. Une intention qui n’est pas plus répréhensible que le souci qu’elle exprime. Fallait-il pour autant se crisper sur le mot en oubliant ce qu’il comportait de relatif ? L’esprit humain est unitaire et l’opinion s’est attachée à cette notion simple propre à satisfaire sa fierté. On pourrait faire la même analyse à propos du culte du drapeau, encore que celui-ci soit un substitut de la personnalisation du pouvoir telle qu’elle s’imposait du temps de la monarchie.
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