Ce sont les matériels qui, en dernière analyse, impriment à la bataille sa physionomie. Point n’est besoin d’être matérialiste pour en être convaincu. Il suffit de se rappeler les transformations opérées sur le champ de bataille par l’apparition des engins blindés et de l’aviation. Or, l’évolution des matériels de guerre se poursuit inexorablement, sous l’influence tyrannique des progrès scientifiques et techniques, favorisée qu’elle est au surplus par les exigences incessantes du combat. Ce rythme lui-même des progrès scientifiques s’accélère sans cesse.

C’est ainsi que chaque jour voit désormais des armes anciennes se perfectionner, des armes nouvelles apparaître. Sous peine d’être rapidement distancé, il convient donc de suivre au plus près, beaucoup mieux encore, de prévoir les répercussions de la Science sur les armements. Aussi bien, la moindre défaillance à cet égard risque-t-elle d’être fatale. Mais aucune arme n’est jamais utilisée isolément. Et les influences réciproques que les différentes armes exercent les unes sur les autres, leur articulation tactique la plus efficace, ne se peuvent guère révéler en pleine lumière qu’en temps de guerre. On conçoit dans ces conditions les efforts d’imagination qu’il faut déployer pour s’adapter aux conditions sans cesse renouvelées du combat moderne : effort d’imagination pour prévoir l’évolution des matériels, sous le double effet des progrès de la science et de l’influence des autres armements ; effort d’imagination encore pour définir l’emploi des armes, la combinaison de celles-ci entre elles, susceptible d’en obtenir la plus grande efficacité.

Ces efforts, il importe de les accomplir en première urgence dans le domaine de l’arme blindée : né voici trente-cinq ans à peine, le char a pris rapidement une place de choix dans les grandes unités terrestres. Après les campagnes foudroyantes de 1940 et 1941, il a acquis la valeur d’un symbole. Aujourd’hui il constitue bien encore le fer de lance de toutes les armées. Mais le progrès lui suscite chaque jour de nouveaux adversaires. Depuis Hiroshima, sa suprématie sur le champ de bataille est même contestée et de violentes polémiques s’inscrivent autour de ses caractéristiques essentielles.