Après un séjour assez long au Japon, l'auteur a souhaité nous faire part de certaines impressions récentes que lui avait faites son pays. Elle développe cette idée d'une communauté Asie-Pacifique qui prend de plus en plus d'importance dans les esprits japonais et qui pourrait s'opposer à un « éventuel protectionnisme européen ». Par ailleurs, nombreux sont les États de cette région qui craignent le leadership de l'Empire du Soleil-Levant ; d'où une grande circonspection dans la mise en place des institutions de cette communauté.
Une nouvelle frontière du Japon : la communauté Asie-Pacifique
La relance de la Communauté économique européenne, avec l’adoption de l’Acte unique en juin 1985 et surtout son entrée en vigueur en juillet 1988, a suscité une réaction asiatique que les dirigeants européens n’avaient sans doute pas envisagée. Au Japon, en particulier, le surgissement d’une « forteresse Europe » a fait revenir à la surface le mythe de la « Communauté Asie-Pacifique » qui a pris forme après la Première Guerre mondiale. Il relevait jusqu’ici à la fois du tabou et du rêve diffus, tant il ravivait, aussi bien pour les Japonais eux-mêmes que pour leurs voisins, de bien cauchemardesques souvenirs. Mais le fantasme d’un éventuel « protectionnisme régional européen » que le Japon, en particulier, appréhende, donne aujourd’hui à ce mythe ancien et redouté une dimension beaucoup plus acceptable.
L’actuelle évolution du marché européen a, en effet, catalysé ce qui était en gestation depuis plus de vingt ans. L’idée de la création d’une zone de libre-échange entre cinq pays du Pacifique (Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Japon, États-Unis) avait été proposée, dès 1965, par un cercle d’économistes japonais en réponse à la création d’une communauté économique européenne. Idée, il est vrai, qui était restée dans les limbes. Plus récemment, en 1980, un projet similaire fut proposé par l’ancien ministre japonais Masayoshi Ohira. Cela aboutit dans un premier temps à l’organisation d’un séminaire sur la « Communauté Pacifique » (Pacific Community Seminar) qui, avec l’accord du Premier ministre australien d’alors, Malcolm Fraser, se tint à Canberra. Les États-Unis reçurent assez mal une telle initiative, tout comme les pays de l’Asie du Sud-Est, toujours méfiants à l’endroit de tout projet qui rappellerait la création d’une « sphère de coprospérité ». Bref, ce projet ne pouvait se développer qu’avec une immense discrétion…
Aujourd’hui, cependant, la puissance économique et financière du Japon a relativisé l’influence jusque-là hégémonique des États-Unis. Tout en restant prudents à l’égard du Japon et de son éventuel impérialisme, les autres pays asiatiques participent, en outre, à ses circuits économiques et financiers et le mythe d’une « communauté économique » du Pacifique n’apparaît plus aussi invraisemblable.
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