Après une année riche en événements dont certains, qui nous intéressent particulièrement, ont été suscités par M. Gorbatchev, l'actuel homme fort soviétique, le problème majeur de la défense de l'Europe reste entier, l'armement nucléaire étant au centre des débats. L'auteur, président d'honneur du Comité d'études de défense nationale (CEDN) et ancien directeur de notre revue, nous livre ses réflexions sur le « nucléaire tactique », ou « préstratégique », et sa place dans la constitution du « pilier européen » de la défense.
L'arme nucléaire tactique, pour quoi faire ?
#1Au moment où, conformément au traité qu’ils ont signé à Washington en décembre 1987, les deux Grands ont entrepris de démanteler tous leurs missiles à têtes nucléaires de portée intermédiaire (500 à 5 000 kilomètres) et en particulier ceux installés en Europe, il nous a paru pouvoir être intéressant de faire le point de la situation des forces nucléaires de courte portée (inférieure à 500 kilomètres) qui restent déployées sur ce théâtre, comprises pour cette raison dans les « theater nuclear forces » de la terminologie OTAN — c’est-à-dire mettant en œuvre les armes que cette terminologie dénomme souvent aussi « battlefield nuclear weapons » —, mais que les profanes appellent depuis toujours armes nucléaires « tactiques » et que nous Français qualifions maintenant de « préstratégiques ». Ce sont ces armes en effet qui vont être impliquées indirectement dans les négociations qui s’amorcent pour une réduction des forces conventionnelles en Europe, puisqu’il est flagrant que l’Union Soviétique a pour objectif, tant militaire que politique, la dénucléarisation de notre continent.
Évolution dans l’Otan
Mais au préalable il est probablement utile de rappeler l’évolution de l’OTAN dans ce domaine, puisque la situation actuelle des armes nucléaires tactiques américaines déployées en Europe résulte de décisions prises dans un passé parfois lointain, aussi bien dans leurs moyens qu’en ce qui concerne leurs concepts d’emploi.
C’est en 1951 en effet, alors qu’ils venaient d’effectuer les premiers essais d’une arme nucléaire miniaturisée, que les États-Unis ont entrepris une étude dénommée « Project vista », sur la possibilité d’employer les armes de l’espèce pour stopper une agression par forces conventionnelles en Europe (1).
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