Aux actes de notre colloque sur « Démographie et défense », nous joignons ce témoignage du président de la Fondation pour les études de défense nationale (FEDN). Il s'agit de la traduction de sa conférence prononcée en juillet 1988 au King's College de Londres, sous couvert de l'Université d'État du Mississipi.
Démographie : rôle et place en géopolitique et en géostratégie
Tous ceux qui s’intéressent aux phénomènes de la paix et de la guerre, tous ceux qui se penchent sur l’étude des conflits, de la stratégie, de la politique internationale, des crises mondiales et des affaires militaires sont conscients de l’importance du facteur démographique. Au cours de l’histoire bien des bouleversements sont apparus en raison des pressions démographiques ; c’est à cause du nombre croissant des peuplades barbares aux pourtours de l’Empire romain que ce dernier a fini par succomber à leurs assauts. C’est grâce à sa forte démographie que la France a tenu, jusqu’au début du XIXe siècle, la première place sur la scène européenne : les succès des guerres napoléoniennes ont été en grande partie dus au niveau du peuplement de la France. De même la démographie a été, à l’évidence, le moteur des grandes expansions coloniales, notamment anglaise et hollandaise ; pareillement, la puissance des États-Unis a trouvé sa source dans l’immigration massive des Européens, en particulier des populations pauvres et excédentaires d’Irlande, de Pologne, de Suède ou d’Italie.
Pendant des siècles, le potentiel militaire s’est mesuré au nombre des soldats : jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, les armées reposaient encore principalement sur le combattant individuel, porteur de ses propres armes : épée, bouclier, pique, lance, fusil… La supériorité numérique est encore un facteur important de la puissance militaire contemporaine : l’armée rouge tire toujours une partie de sa force du nombre de ses effectifs, qui lui permettraient de bénéficier de l’effet de masse, de la supériorité en armes conventionnelles et en nombre de divisions, des innombrables forces de réserve aptes à compléter les effectifs d’active.
Cependant, force est de constater que la seule supériorité démographique n’est pas toujours décisive. Ainsi, c’est avec moins de 4 millions et demi d’habitants qu’Israël a victorieusement tenu tête pendant quarante ans à ses ennemis arabes, dix fois supérieurs en nombre et qui bénéficient par ailleurs d’une position stratégique idéale, sont eux aussi équipés d’armements ultra-modernes, et largement financés par les pétrodollars. Cela n’est pas un exemple isolé ; plusieurs fois, dans l’histoire, une poignée d’hommes courageux et résolus a réussi à tenir tête à des armées infiniment plus nombreuses…
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