En raison de l'invasion et de l'annexion du Koweït par l'Iraq le 2 août de cette année, l'auteur a estimé souhaitable d'inclure dans son texte initial un développement très complet des événements qui ont conduit à cette situation, et le rôle majeur que l'Égypte joue à cet égard. Dans la rubrique « Politique et diplomatie », Philippe Moreau Defarges aborde un aspect beaucoup plus général de ce conflit.
L'Égypte face à la crise du Koweït
L’Égypte de la décennie 80 se sentait forte de sa politique d’ouverture (infitâh) vers l’Ouest, assortie de ménagements croissants à l’égard de l’Est. Cette inflexion vers l’Occident s’accompagnait d’une réinsertion progressive dans le monde arabe, combinée avec une attitude suffisamment conciliante à l’égard d’Israël, et avec un actif dévouement en faveur de la cause palestinienne. Le gouvernement du Caire espérait donc être de mieux en mieux en mesure de satisfaire les besoins essentiels de son peuple comme ses exigences sentimentales, et, par là même, d’assurer une prospérité croissante en même temps que le respect de l’ordre public et social ; dès lors, il lui semblait possible de décourager la surenchère des extrémistes de l’islam, ou du moins de limiter leur séduction (1). Cependant ces ambitieux objectifs, comme il advient souvent, n’ont été atteints que dans une certaine mesure.
Au début de la décennie 90, comme nous allons le constater, la situation économique de l’Égypte comporte maints sujets de préoccupation, voire d’inquiétude ; l’agitation des Frères musulmans et de leurs émules ne décroît guère, et la réinsertion triomphale de l’Égypte dans la Ligue arabe accroît ses responsabilités et ses charges. Lorsque, presque soudainement, s’annonce, fin juillet 1990, la crise suscitée par les ambitions et menaces iraqiennes à l’encontre du Koweït, le gouvernement égyptien fait face sans trop de retard et avec détermination, mais il est clair qu’il va devoir assumer, et pour longtemps, des missions ardues et des charges très lourdes, alors qu’il porte déjà le fardeau d’une économie obérée, d’une contestation islamiste obstinée et d’une politique arabe ambitieuse.
Une économie égyptienne déséquilibrée
L’ouverture des années 80 a-t-elle, en matière économique et par ses retombées politiques et sociales, procuré tous les succès et avantages attendus ? Nombre de spécialistes en doutent. Ceux qui ont élaboré leurs travaux dans le cadre du Centre d’études et de documentation économique, juridique et sociale du Caire (CEDEJ) apportent, à cet égard, d’importants éléments d’appréciation, et, s’ils se défendent de présenter un bilan global, formulent des conclusions souvent sévères (2). Selon une étude de ce centre, les apports financiers que le pays reçoit du dehors : remises des travailleurs émigrés, recettes du pétrole et du tourisme, aide économique étrangère, constituent, au début des années 80 près de 45 % des ressources de l’Égypte ; et depuis lors ces apports décroissent de telle sorte qu’on a pu parler de stagnation, voire de régression de l’économie égyptienne.
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