L'auteur, professeur à l'Institut de hautes études internationales de Genève, politologue et spécialiste des questions traitées par les diverses conférences sur la sécurité en Europe, nous présente ici une synthèse du contenu de la Charte de Paris, document capital définissant les buts et moyens de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe jusqu'à la fin de notre siècle. Malheureusement, à peine deux mois après ce sommet de Paris, l'Armée rouge intervenait en Lituanie !
La Charte de Paris pour une nouvelle Europe
L’idée d’un sommet de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) chargé de tirer les conséquences politiques et institutionnelles des profonds changements intervenus en Europe fut lancée par Mikhaïl Gorbatchev, le 30 novembre 1989, lors d’un voyage officiel en Italie. Aussitôt approuvée par le président Mitterrand, puis par le chancelier Kohl, cette idée gagna du terrain auprès des Douze de la CEE ainsi que des États-Unis, ces derniers posant toutefois comme condition sine qua non la conclusion préalable du traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE). En marge de la conférence d’Ottawa, dite « Cieux ouverts », les membres de l’Otan et ceux du Pacte de Varsovie s’accordèrent, le 13 février 1990, sur le principe de la tenue d’un sommet pendant l’année en cours ; de leur côté, les pays Neutres et Non-alignés (N + NA) parvinrent à la même conclusion à l’issue de leur réunion ministérielle de La Valette, le 3 mars 1990.
Deux capitales se disputèrent le privilège d’accueillir le sommet : Vienne et Paris. Forte de l’appui de la CEE et de l’Otan, et vu le poids politique qu’elle représentait aux yeux de l’Est, la France l’emporta (1). Le 5 juin 1990, lors d’une réunion spéciale tenue en marge de la conférence de Copenhague sur la dimension humaine, les ministres des Affaires étrangères des 35 pays de la CSCE décidèrent que le sommet se tiendrait à Paris, mais qu’il ferait l’objet de minutieux travaux au sein d’un comité préparatoire (« Prepcom »), à Vienne, entrecoupés par un intermède ministériel à New York.
Du 19 au 21 novembre, le sommet de Paris — qualifié par le président Mitterrand d’« anti-Congrès de Vienne » — accomplit deux tâches historiques. D’une part, il tourna définitivement la page de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide en prenant acte du traité « 2 + 4 », de la déclaration conjointe Otan-Pacte de Varsovie et, surtout, du traité sur les FCE. D’autre part, il adopta la « Charte de Paris pour une nouvelle Europe », texte définissant les objectifs et les moyens d’action de la CSCE jusqu’à la fin du siècle. Pour les besoins du présent exposé, on distinguera dans la Charte sinon trois parties, du moins trois thèmes majeurs : l’Europe nouvelle, le programme de la CSCE et l’institutionnalisation de celle-ci (2).
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