Orthogénèse et art militaire
L’homme est un démiurge, car il crée. Certes, il ne crée pas de matière vivante, en dehors de ses enfants. Mais il crée des concepts, des organisations, des machines, et il cherche à les perfectionner sans cesse, pour réaliser un but lointain dont la finalité elle-même bien souvent lui échappe. On peut par exemple se demander légitimement si la recherche d’une vitesse de déplacement de plus en plus grande est un élément de bonheur, un « progrès ». Quoi qu’il en soit, l’homme crée. Comme le démiurge, il procède par tâtonnements, par multiples essais successifs. Il n’est donc pas étonnant qu’on puisse retrouver dans l’histoire de l’évolution biologique dont nous connaissons maintenant assez bien les lois, des ressemblances frappantes avec l’évolution des créations humaines. Loin d’être stérile, une telle recherche nous amènera à des constatations intéressantes et nous éclairera puissamment sur nos limites et sur nos erreurs.
À mesure que les savants ont progressé dans la connaissance des lois de l’évolution, ils ont été de surprise en surprise. Au début, ils ont surtout été frappés par le tableau grandiose d’un progrès continuel, allant de la cellule mère apparue au sein des mers bouillantes il y a des millions d’années jusqu’à l’organisme humain, actuellement le plus perfectionné qui soit. Mais en étudiant de plus près la vie des lignées, ils ont dû déchanter rapidement et une fois de plus ils se sont trouvés devant cette « vérité » décevante, à deux faces en apparence inconciliables, qui semble un jeu de la divinité pour nous éloigner de la connaissance totale et qu’on retrouve dans tous les domaines, aussi bien celui de la liberté humaine que celui de la nature de l’électron.
Ils ont constaté que l’évolution des lignées, que Goldschmidt appelle la « microévolution », était une évolution régressive qui accule les lignées à la mort à la suite d’adaptations spécialisatrices qui limitent de plus en plus leurs possibilités vitales. Si, au début, sous l’influence de ces adaptations, l’organisme nouvellement créé semble faire des progrès, très vite l’irréversibilité de l’évolution oblige celle-ci (comme parle le Dr Jeannel) à se maintenir dans une direction constante. Le « taux d’adaptation » optimum se trouve bien vite dépassé. Les adaptations spécialisatrices imposent aux espèces des restrictions de leurs fonctions vitales qui leur ôtent à peu près complètement la possibilité de modifier leur mode d’existence. Elles les confinent dans des domaines géographiques de plus en plus restreints, elles les forcent à vivre dans des conditions atmosphériques, de température et de pression, de plus en plus étroites. S’il advient par exemple un changement climatique, les espèces, incapables de s’adapter, meurent.
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