Politique et diplomatie - Le devoir d'ingérence
Le nouvel ordre international, que doit engendrer la dislocation du système Est-Ouest, paraît pour le moment bien insaisissable. Un seul principe émerge clairement : la consécration du statu quo ou plus précisément des frontières existantes. Telle est la justification de la coalition contre l’Irak de Saddam Hussein : celui-ci, en annexant le Koweït, commettait une violation grave du droit établi ; la coalition avait donc mission de rétablir l’État du Koweït dans sa souveraineté. Alors les frontières constitueraient-elles l’unique élément fixe dans un monde travaillé par des revendications multiples, par l’explosion d’aspirations communautaires ? Ainsi, au moment même où la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe réaffirme la détermination des États européens de s’« abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État », la cohésion et donc, à terme, les frontières internes de plusieurs États européens (en particulier Yougoslavie et Union Soviétique) se trouvent remises en cause.
Dans ce monde tiraillé entre statu quo et désordre, s’esquisse une vision cherchant à surmonter cette opposition. Les frontières actuelles, aussi imparfaites soient-elles, doivent être préservées ; toute discussion, toute négociation pour les redessiner enclencherait un processus infernal, qui toucherait tous les continents, et qui, en outre, ne ferait que susciter de nouvelles frustrations. Toutefois, en cette fin du XXe siècle, tous les États se doivent de partager certains principes communs, notamment le respect des libertés individuelles et la protection des droits des minorités. La consolidation des frontières doit être équilibrée, compensée par l’acceptation par les États de contraintes dans le domaine du droit. Dans l’hypothèse où l’un ou plusieurs d’entre eux ne se soumettraient pas à cette exigence, la communauté internationale aurait non seulement le droit, mais encore le devoir d’intervenir pour les ramener sur le bon chemin. Ainsi, la population kurde subissant des souffrances terribles de l’armée irakienne, le Conseil de sécurité « exige que l’Irak… mette fin sans délai à cette répression » (résolution 688 du 5 avril 1991). Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France vont même plus loin, créant, sur le territoire irakien, des zones de sécurité, gardées par leurs soldats, et dans lesquelles peuvent se réfugier et être ravitaillés les Kurdes.
Cette expérience tout à fait nouvelle annonce-t-elle une mutation dans l’ordre international ? Le droit ou le devoir d’ingérence est-il appelé à devenir l’un des instruments clés des rapports entre États ? Il est trop tôt pour répondre à ces interrogations, mais il est possible d’identifier les problèmes que soulève cette notion.
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