Débats
• Tous les observateurs portent un regard bienveillant sur l’évolution dans laquelle s’est engagée l’Afrique du Sud, enfin dégagée de cette chape de l’apartheid et à la recherche de solutions adéquates. D’où un optimisme certain. Si les voisins de ce pays, qu’ils soient dans l’océan Indien ou dans la région australe du continent, tirent certainement de grands bénéfices de cette évolution, les pays francophones, eux, ne peuvent guère en attendre d’effets notables. Subsistent malgré tout les grands problèmes communs à toute l’Afrique : démographie, urbanisation, formation, etc.
• Dans quelle mesure les sanctions ont-elles occasionné des dommages dans le domaine économique et dans quelle mesure ont-elles conditionné l’évolution politique intérieure du pays ? Qu’en est-il de l’arme nucléaire sud-africaine ? La situation est-elle similaire à celle d’Israël ?
Les sanctions ont certes été efficaces, mais pas toutes. Elles ont pesé dans les combats puisque l’Afrique du Sud ne pouvait disposer des moyens électroniques adaptés. Il est vrai, en revanche, qu’elles ont conduit le pays à développer une industrie d’armement qu’il n’aurait certainement pas cherché à étendre si les sanctions ne l’avaient pas atteint directement. Sur le plan économique, elles ont joué efficacement dans le domaine des investissements, ce qui a privé l’Afrique du Sud des moyens de la croissance.
Les sanctions ont été contournées en plusieurs secteurs, principalement en matière commerciale. Il demeure que leurs conséquences ont principalement porté préjudice aux Noirs, et il n’est pas prouvé que l’évolution politique s’en soit accélérée pour autant. En fait, c’est le coût de l’apartheid qui a conduit les responsables sud-africains à réviser leur attitude. En ce qui concerne l’arme nucléaire, il est certain que l’Afrique du Sud a la capacité de s’en doter, mais il est douteux qu’elle la possède.
• Dans une interview, Breten Bretenbach faisait grief à l’ANC de ne pas avoir su s’adapter à la démocratie et ainsi de conduire le pays aux frontières de la barbarie.
Ce pessimisme est étonnant bien que l’on puisse, dans une perspective sombre, craindre que l’ANC ne soit plus en mesure de jouer le rôle qu’on en espérait. Nelson Mandela reste tout de même un homme d’une grande élévation d’esprit, ce qui ne signifie pas qu’il puisse avoir les moyens de s’imposer à un parti qui est actuellement en état de désorganisation manifeste. Or, si l’ANC n’est plus orienté vers le compromis, où ira-t-on ?
• Sur le plan financier, il y a eu un renchérissement du coût d’accès au marché international du fait des sanctions, mais elles n’en ont pas interdit totalement l’accès.
• Il est vrai que le nouveau contexte international a permis d’aboutir aux accords de Brazzaville et de New York, mais l’origine lointaine des négociations remonte au début de l’année 1981 car les contacts se sont alors établis à Paris. C’est alors aussi que s’est imposé le schéma du droit à l’autodétermination du peuple namibien. L’Afrique du Sud n’y était pas favorable et les États-Unis, soutenant l’Unita dont les bases arrière se trouvaient en Namibie, ne faisaient guère pression sur Pretoria. Finalement, l’Afrique du Sud a dû renoncer à ses exigences et admettre la nouvelle voie sur laquelle allait s’engager l’ensemble de l’Afrique australe. ♦