L’auteur nous donne son appréciation actuelle sur l’état des relations entre la Russie d’Eltsine et le pays du Soleil-Levant, alors que la première a besoin d’aide de toute nature et que le second voudrait récupérer les territoires du Nord.
Le Japon et la Russie
Les Soviétiques ont commis l’erreur de garder captifs des centaines de milliers de soldats japonais, qu’ils ont fait travailler au développement de la Sibérie après la guerre dans des conditions très pénibles, et dont beaucoup sont morts. Ils avaient hâtivement jugé les Japonais, ne voyant en eux que de la présomption, une fausse appréciation des forces de l’histoire, un maniérisme emprunté aux Américains et poussé jusqu’à l’inconséquence d’attaquer ceux-là mêmes dont ils ne pouvaient se passer : en un mot de l’insignifiance. Or les Japonais pensaient qu’ils n’avaient pas fait la guerre à l’URSS. Ils nourrirent une rancune tenace et une méfiance absolue pour leurs voisins du Nord. Cela contribua beaucoup à aliéner leur sensibilité. La perception des rapports de voisinage se réduisit à une image fixe : celle de l’irrédentisme de quatre îles qu’ils considéraient comme une dépendance de Hokkaido depuis des temps anciens. Celles-ci n’ont pour ainsi dire pas d’importance économique ; leur population japonaise a fui ; leur valeur stratégique est illusoire, même aux yeux des Russes qui n’en ont fait quelque chose que pendant une courte période de la guerre froide, quand les sous-marins lanceurs d’engins ont voulu avoir la mer d’Okhotsk pour sanctuaire.
La fin de la guerre froide, l’éclatement de l’Union Soviétique, l’émergence d’un nouveau cercle de nations avec de nouveaux États d’Asie peuplés de Russes, ont fait revivre le sentiment que les voisins du Nord sont des hommes. La presse quotidienne japonaise regorge actuellement de nouvelles sur les « États indépendants » et sur la province maritime. L’impression qu’il faudrait rattraper le temps perdu bute néanmoins sur la constatation que les institutions ne sont pas encore aménagées comme il faut. L’omission de faire la paix et de régler les rapports de voisinage a provoqué un retard d’autant plus regrettable que maintenant la faiblesse du gouvernement russe oblige à des ménagements : il perdrait son assise chancelante chez lui s’il cédait ostensiblement à des conditions japonaises. Le Japon ne peut pas avoir l’air de réclamer crûment ce qu’il pourrait obtenir facilement du gouvernement russe désormais.
Histoire
À l’époque de la guerre civile qui succéda à la révolution d’Octobre, le gouvernement japonais laissa durer l’intervention de ses forces en Sibérie. Celle-ci dégénéra en intrigues, à l’instigation de l’ambition personnelle de quelques chefs d’unités. Ce fut une occupation malsaine pour l’armée japonaise et l’origine du malaise qui causa le césarisme au Japon. Les derniers occupants sont restés jusqu’en 1925 au nord de Sakhaline.
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