Présentation
À l’est la Chine, et d’abord le Sinkiang, au sud-sud-ouest l’Afghanistan, le Pakistan, l’Iran et la Turquie, au nord la Russie, c’est ce qu’on a appelé le milieu des empires et que nous nommons aujourd’hui la Moyenne-Asie, terme assez vague pour être commode, mais région qui reste à définir, d’autant qu’on ne sait trop si l’on veut parler en l’occurrence de ce qui en constitue la bordure, ou des républiques islamiques de l’ancienne Union soviétique qui en sont le centre !
Ce premier problème de définition géographique étant posé, je remercie nos amis, spécialistes éminents, qui ont bien voulu venir nous en parler.
Nous entendrons tout d’abord Mme Élisabeth Moreau sur « les républiques d’Asie centrale ». Ensuite, M. Éric Rouleau, que nous ne recevons pas pour la première fois et que chacun connaît comme journaliste et dernièrement ambassadeur à Ankara, évoquera « la Turquie et les pays turcophones ». Enfin, M. Olivier Roy, dont on ne sait généralement pas qu’il est agrégé de philosophie, et dont la compétence sur l’Asie centrale est notoire, parlera de « l’Iran et de son environnement régional ».
Il s’agit de cette région qui, par son éloignement et son isolement, conservait pour beaucoup d’entre nous un caractère presque mythique : le désert des Tartares, l’idée de confins, connus surtout par les aventuriers, les expéditions anciennes et modernes, et les hordes qui les avaient traversés.
Voilà ce centre de l’Asie en pleine actualité, objet — c’est secondaire mais symptomatique — de nombreux mémoires ou thèses d’étudiants qui y trouvent brusquement une mine de recherches, vierge et insoupçonnée : nouvel ensemble géopolitique qui se compose sous vos yeux sans qu’on puisse encore bien en percevoir l’unité, sinon islamique ; zone effervescente par ses ethnies, les attaches régionales divergentes qui l’écartèlent et le caractère artificiel de son architecture frontalière ; théâtre potentiel des ambitions de la Chine, de la Russie, de l’Iran et de la Turquie, futur grand champ de bataille peut-être, à l’heure où la péninsule Européenne, pour peu que l’abcès yougoslave se vide, tend au contraire à se pacifier ; région déstabilisante, tant par sa « nucléarité », les forces qui s’y exercent, que par ses contiguïtés ; grand jeu politico-stratégique en puissance, où les adeptes du Kriegspiel vont pouvoir porter leurs pions : quels enjeux, quels acteurs, quelles rivalités, quels projets ?
Avec M. Paul-Marie de La Gorce, nous avons pensé qu’il était temps de nous interroger. ♦