L'auteur profite des manifestations grandioses se déroulant en Espagne cette année pour tenter d'apprécier quelles sont l'influence et l'action de ce pays dans les nations d'Amérique « hispanique ». Reconnaissons que depuis la disparition de Franco, l'Espagne a effectué un retour spectaculaire sur la scène internationale, mais quelles seront les possibilités réelles envers le sous-continent américain dans les prochaines décennies ? La question reste posée.
L'Espagne et l'Amérique hispanique
En 1992 l’Espagne est sur le devant de la scène internationale. On célèbre le cinquième centenaire de la découverte de l’Amérique ou plutôt de la rencontre de deux mondes (1). On admire les fastes de l’exposition universelle de Séville. On applaudit à tout rompre les Jeux olympiques d’été de Barcelone. N’est-ce pas l’occasion de mettre en valeur un des axes privilégiés de la politique extérieure de Madrid, celui de l’Amérique hispanique, et de voir ce que représente l’apport de la madre patria à ce sous-continent ? Une part d’héritage ? Sûrement. Un ensemble de relations exceptionnelles avec l’Amérique ? Sans doute. Un pont vers l’Europe ? Peut-être. La création d’une nouvelle communauté basée sur la langue ? Cela n’est pas impossible. À nous d’apprécier avec quelles nuances il convient de répondre à ces questions.
Un héritage commun
L’hispanité est un concept assez flou à propos duquel se disputent nombre d’académiciens madrilènes. Adoptons une définition simple : c’est le rassemblement des peuples unis par une même langue, par une même façon de vivre, par une même race et par un même sentiment de communauté, et oublions l’odeur de soufre que lui avait donnée Franco pour conférer un semblant d’union, pendant la Seconde Guerre mondiale, aux nations sud-américaines favorables aux puissances de l’Axe. Depuis l’avènement du roi Juan Carlos, en 1975, la grande idée demeure. Elle modifie sensiblement les objectifs poursuivis et propose à la place quatre impératifs : continuité, interdépendance, non-discrimination et solidarité (2). Même si le mot « hispanité » devient désuet, la fête qui lui est consacrée le 12 octobre (le jour de la race) se transforme en fête nationale espagnole. Dans la Constitution de 1978 (3), les pays de l’ancienne hispanité sont désignés comme « pays de la communauté historique ». Par ailleurs, dans le chapitre 1 relatif au statut des Espagnols et des étrangers, il est précisé que les Espagnols pourront être naturalisés sans perdre leur nationalité d’origine.
La réalité de l’influence culturelle espagnole se mesure à la vigueur de la langue castillane, parlée par 40 millions d’Européens et 300 millions d’Hispano-Américains. Elle s’impose dans le domaine de la littérature. C’est en 1967 qu’un premier prix Nobel fut attribué à un auteur hispano-américain : il s’agissait du Guatémaltèque Miguel Angel Asturias ; et les auteurs à succès de se révéler à partir de cette date : le Colombien Gabriel Garcia Marquez, le Péruvien Vargas Llosa, l’Argentin Julio Cortazar, le Cubain Alejo Carpentier, les Mexicains Carlos Fuentes et Octavio Paz (prix Nobel en 1990). Cette littérature, teintée d’américanisme, n’est plus marginale ; c’est une entité qu’analysent de nombreux étudiants nord-américains dans leurs universités. La langue espagnole est répandue grâce à la presse dont l’importance des quotidiens n’est plus à démontrer (4), à la radio qui est le média du pauvre, à la télévision célèbre pour ses feuilletons (telenovelas), au cinéma, enfin, qui est une véritable industrie au Mexique et qui a produit des chefs-d’œuvre.
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