À l’occasion de notre colloque sur la Moyenne-Asie – dont les actes ont été publiés dans notre numéro d’octobre –, l’ambassadeur Éric Rouleau avait insisté sur l’importance des pays turcophones dans cette région. Dans l’article ci-dessous, l’auteure, spécialiste des questions méditerranéennes et proche-orientales, présente une synthèse très complète de la géostratégie tous azimuts pratiquée par la Turquie, dont la situation se prête particulièrement à de multiples actions nécessitant une habile diplomatie.
La Turquie vers de nouveaux horizons ?
La Turquie est un pont entre l’Orient et l’Occident, un pays charnière entre différents continents, cultures et religions. Dotée d’une identité sociopolitique peu commune (musulmane mais laïque) et d’une situation géographique unique au monde — elle est intégrée dans plusieurs sous-systèmes : Méditerranée orientale, Balkans, Caucase, Proche-Orient — elle est une composante primordiale de l’équilibre régional. Il existe de plus un vaste monde turc qui s’étend des Balkans à la Sibérie. Avec la désintégration de l’URSS et la recomposition des forces en Asie centrale et au Caucase, l’élément « turc » devient une donnée obligatoire dans l’élaboration de stratégies dans cette zone. Le département d’État américain est en train de former une centaine de diplomates à la langue et à la civilisation turques.
La Turquie veut être un élément stabilisateur dans la région ; cette notion est une constante dans le discours politique depuis la guerre du Golfe. Ce pays a, de plus, une mission culturelle à remplir : lutter contre le fondamentalisme islamique et aider les républiques sœurs d’Asie centrale.
Une lutte d’influence en Asie centrale
Les républiques musulmanes de l’ex-URSS semblent en effet très courtisées : l’Arabie Saoudite distribue sans compter des exemplaires du Coran ; le Pakistan a déjà envoyé son ministre de l’Économie, l’Inde celui des Affaires étrangères, Israël, en espérant éloigner ces républiques de l’Iran, a établi des relations diplomatiques avec le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan, le Tadjikistan et le Kirghizistan (il pourrait, entre autres, exporter ses technologies d’irrigation). Seule la Chine reste à l’écart de ce mouvement.
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