L’auteur dresse le panorama de la situation en Asie du Sud-Est où la Chine s’impose en poussant vers les mers du sud, en affirmant la diplomatie et en devenant un partenaire majeur des relations régionales. L’Asie du Sud-Est tente de réagir en usant de l’interdépendance : leurs sociétés se stabilisant, les pays s’unissent au sein de l’Asean. Les 3 autres puissances avec des intérêts dans la région (Japon, États-Unis et Russie) sont obligées de composer avec la Chine.
L'ombre de la Chine sur l'Asie du Sud-Est
Dans sa vision du monde, l’« empire du Milieu », qui s’intitule lui-même ainsi, n’est pas loin de considérer tous les peuples qui l’entourent comme devant lui être, de quelque manière, soumis ou, du moins, comme devant reconnaître sa primauté sinon sa supériorité. Vis-à-vis des barbares venus de la lointaine Europe et caractérisés tant par leur long nez que par leurs mœurs grossières, les illusions chinoises furent dessillées, vers le milieu du XIXe siècle, par les canons des vaisseaux britanniques au sud et par les déploiements des troupes russes au nord. À l’égard de ses petits voisins, au contraire, la superbe de Pékin demeure inentamée, même lorsqu’une résistance armée victorieuse repousse ses visées de manière plus ou moins durable : au Vietnam, au Xe comme au XXe siècle, en Birmanie au XIIIe, au Tibet ou en Corée au XVIIIe siècle, ou lorsqu’un peuple secondaire et marginal comme le Japon tente de s’imposer par deux fois, en 1895 et en 1937, grâce à la supériorité de la force brutale des armes. Le primat chinois constitue un postulat évident et permanent, mais dont la mise en œuvre doit être modulée selon les rapports de forces militaires, idéologiques ou économiques du moment.
La Chine s’impose
La poussée vers les mers du Sud
Si cette perspective géopolitique s’impose tous azimuts aux maîtres de la Chine, quel que soit le régime en place, une prédilection s’exerce vers le sud pour des raisons à la fois naturelles et historiques. L’alternance des moussons, en effet, facilite, selon les saisons, le va-et-vient maritime entre les provinces côtières de l’empire, particulièrement riches en havres naturels, et la zone équatoriale des détroits insulindiens par où transitent, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, les flux de biens, de personnes, voire d’idées en provenance de l’ouest, c’est-à-dire des mondes indien, musulman arabo-persan, et, plus tard, surtout après l’ouverture du canal de Suez, du monde européen. Il semble donc tout à fait normal que la Chine ait, en permanence, fait preuve d’un intérêt privilégié pour la région se trouvant à sa bordure méridionale immédiate, que les Portugais appellent India minor, que Malte-Brun baptise Indo-Chine et que la géographie moderne identifie sous le nom d’Asie du Sud-Est (1).
La démarche historique aboutissant à l’unification de la Chine se stabilise dans sa progression du nord au sud en raison de la résistance de son voisin vietnamien auquel la France se substitue durant l’époque coloniale, provoquant même une guerre que notre historiographie a très généralement estompée (2). Le problème des frontières terrestres fut ainsi réglé ; en revanche, la dévolution des îles situées au large a toujours fait l’objet de contestations, la Chine ayant proclamé, au moins depuis la dynastie Tang, ses droits sur un espace maritime s’étendant au sud de l’île de Hainan, que la cartographie occidentale a eu l’imprudence de baptiser « mer de Chine méridionale » comme pour justifier ainsi, au moins allusivement, les prétentions de Pékin ; celles-ci demeurèrent, dans le passé, plutôt platoniques, sauf sous les Yuan qui poussèrent une expédition maritime jusqu’à Java (3). Aujourd’hui, la découverte d’indices d’hydrocarbures a radicalisé la compétition entre les divers riverains de cette mer qui, située entre les Philippines, le Vietnam et la côte du Nord de Bornéo, constitue, en fait et malgré son nom, le cœur géographique de l’Asie du Sud-Est.
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