Une réflexion nouvelle sur la politique de défense
Pour les citoyens qui ont à en débattre, pour les responsables qui ont à en décider, pour les armées qui ont à la mettre en œuvre, toute politique de défense s’articule au moins en deux définitions : celle des missions à remplir, celle des moyens qui permettent de les remplir. Cela suffit à comprendre le désarroi que l’on observe chez ceux qui, par vocation ou par profession, entendent réfléchir aux problèmes stratégiques et militaires : les immenses changements intervenus dans le contexte international sont pour eux un défi qui est, en effet, difficile à relever.
C’est le cas en France, au moins autant qu’ailleurs. Pour les plus anciens d’entre nous, il n’y avait, avant 1945, aucune hésitation sur le fondement de la politique de défense qu’il fallait mener : l’Allemagne était le seul ennemi plausible et c’était contre elle qu’il fallait se préparer à faire la guerre. Après 1945, ce fut l’Union Soviétique que l’on considéra bientôt comme l’ennemi virtuel et, même si beaucoup considéraient qu’un conflit avec elle n’était nullement probable, on s’accorda très généralement, suivant le mot d’un ancien ministre de la Défense, pour ne pas « faire d’impasse » à cet égard. Certes, on vit la France mener en même temps une guerre de sept ans en Indochine, puis une autre de sept ans aussi en Algérie, et il en résulta, on s’en souvient, sur la politique militaire de la France, l’effort qu’elle supposait, ses orientations et la doctrine qui l’inspirait, des débats qui n’allèrent pas sans confusion, contradictions et divergences. Néanmoins, on ne peut nier la cohérence et la continuité des choix stratégiques qui furent faits par la suite, et c’est un fait qu’ils entraînèrent l’adhésion des grandes forces politiques et sociales du pays.
On n’en est plus là. L’effondrement du camp de l’Est, la disparition de l’Union Soviétique, le bouleversement des frontières au centre, au sud-est et à l’est de l’Europe, ont provoqué l’émergence de situations stratégiques radicalement nouvelles. Celles-ci impliquent, par voie de conséquence, qu’une réflexion nouvelle soit menée sur la politique de défense et les choix militaires qui en résultent. On ne s’étonnera pas qu’elle s’accompagne de beaucoup d’hésitations et peut-être même d’un certain désordre dans les esprits et les discussions ; mais il faut en sortir, d’autant plus que des échéances — politiques, législatives, budgétaires — se présentent et qu’après le temps des débats viendra celui des décisions.
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