L'auteur est rentré récemment en France, venant du Japon, après un voyage d'études de trois mois et demi destiné à préparer pour l’École nationale d’administration (ENA) un cours intitulé : « Relations politiques des États-Unis et de l’Extrême-Orient, depuis 1928 ».
Impressions politiques d'Amérique et d'Asie
Chattanooga (Tennessee), juin 1952. — Cette ville de 150.000 habitants, petite pour les États-Unis, étale dans la belle vallée du Tennessee ses « blocs » d’immeubles et ses fabriques ; disperse ses villas, de style colonial, jusqu’aux pentes des collines et des montagnes — Missionary Ridge, Lookout Mountain, noms fameux, lieux historiques où furent livrées des batailles de la guerre civile (ne jamais dire guerre de « Sécession »). Souvenirs soigneusement entretenus que perpétuent colonnes, monuments, vieux canons enchaînés.
Ce soir s’achèvent les fêtes, qui ont duré trois jours, pour mettre un terme au cycle annuel de l’Université. 1.500 personnes — les familles des élèves — sont assises sagement sur les gradins du stade, au plein jour des batteries de projecteurs qui blanchissent l’estrade, la pelouse, les tribunes. Il a plu. Une équipe de nègres s’agite lentement, porteurs d’énormes cartons dont ils sortent des piles de galettes élastiques — coussins-réclame que distribue gracieusement une industrie de la ville. Chaque auditeur installe son coussin qui le préservera de l’humidité du ciment : méthodes de publicité particulières ; témoignages d’une prospérité qui permet la prodigalité ; volonté d’entretenir le goût du confort chez l’habitant. Des étudiantes présentent sur des plateaux les sandwichs abondants et les boissons fraîches — le coca-cola que recommande un immense panneau illuminé.
La cérémonie de la distribution des prix commence. Bénédiction du chapelain ; hymnes. Le président de l’Université donne la parole à l’hôte d’honneur, spécialement invité à l’occasion : le docteur Gallup qui est venu tout exprès de New-York — 23 heures de voyage — discourir et recevoir un diplôme. Quelle bonne fortune inattendue que d’entendre l’homme qui, depuis quinze ans, n’a cessé d’être à l’écoute des tendances politiques de l’Amérique ! On sait la simplicité de son système : à la base, des consultations, toujours renouvelées, de représentants sélectionnés des divers milieux américains, par quelques centaines de correspondants. Les réponses que ceux-ci recueillent sont transmises à l’Institute of public Opinion, bureau d’opinion publique, sis à Princeton, où quatre machines à calculer (1) brasseront la matière statistique. Il sortira de l’appareil le verdict : appréciation d’une situation que, sauf erreur (d’ailleurs rare), corroborera l’événement.
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