En mars 1992, l’auteur, Chef d’état-major de la Marine (CEMM), avait défini les grandes inflexions qu’il lui semblait souhaitable de donner à notre marine nationale. Un an plus tard, tenant compte d’une part des événements politico-stratégiques, militaires, économiques, sociaux survenus, d’autre part de la participation des unités de la marine à de nombreuses missions, dont certaines inopinées, il précise sa position.
La Marine aujourd'hui et demain
Les auteurs de nos manuels de géographie d’autrefois s’émerveillaient de ce que la France fût située au centre des terres émergées. Depuis, la floraison de projections géographiques originales pour représenter la planète nous a offert une autre vision de notre pays, parcelle de terre à l’ouest de la péninsule Européenne, baignée par la mer. Cette mer le relie aux différentes parties d’un monde dont il dépend étroitement par tout un réseau d’intérêts humains, culturels, économiques et politiques, d’un monde turbulent et toujours en quête d’une forme d’ordre.
Comme désagrégé après s’être libéré de la tutelle de fer de l’affrontement Est-Ouest, le monde est en proie à ce qu’on nomme aujourd’hui la crise : cette fermentation d’antagonismes profonds et diffus à base de conflits internes et de rivalités ethniques ou tribales, voire religieuses ; cette effervescence des nations ou de certaines entités politiques qui en attendent des équilibres nouveaux conformes à leurs ambitions. Généralement dangereuse pour la sécurité du monde, préjudiciable toujours à sa prospérité, attentatoire souvent aux principes universellement admis que notre pays entend promouvoir, la crise n’a d’issue que dans la restauration d’un ordre stable atteint par l’élaboration d’une solution politique convenable, acceptable par tous.
Le jeu diplomatique, la pression économique et l’action militaire y ont leur part, auxquels s’ajoute l’action humanitaire. Notre monde, le monde occidental, tend à proscrire la guerre et à privilégier la négociation ; il accorde pourtant une place importante à l’appareil militaire dans la gestion des crises, car celui-ci est fortement structuré, puissant, facilement mobilisable et permet de nuancer toute une gamme d’actions, des plus contingentes aux plus absolues. La force militaire a par nature un caractère entier qui rend complexe son emploi dans un domaine où il faut pouvoir être tour à tour, ou tout à la fois, brutal et subtil, déterminé et conciliant ; où il faut veiller à ce que les coûts risqués ou consentis n’excèdent pas la valeur de l’enjeu ; où il faut craindre à la fois l’escalade incontrôlée et le désengagement piteux ; où il faut considérer l’influence de l’opinion publique formée par des appareils médiatiques omniprésents.
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