Présentation
Vous aurez rectifié de vous-même l’erreur portée sur les cartons d’invitation me qualifiant de président de la Fondation pour les études de défense nationale… Il n’y a plus de FEDN, plus de président, encore qu’on ne sache pas très bien quel est de l’un à l’autre de ces termes le lien de cause à effet ! Bref, il était trop tard pour changer cet intitulé et par les temps qui courent il n’apparaissait pas que ce soit indispensable ! J’officierai donc, si vous le voulez bien, au titre de professeur à l’université de Paris I, cette université, à ma connaissance, n’étant pas en voie d’être supprimée.
Nous avons donc à parler de « l’Amérique de Clinton » et je remercie bien sûr tous ceux qui, malgré leurs occupations multiples, ont bien voulu venir nous en entretenir.
Ce matin, nous écouterons André Fontaine pour la politique extérieure (je n’ai pas besoin de le présenter) ; pour la politique de défense, François Géré, agrégé d’histoire et, jusqu’ici, directeur de l’observatoire des États-Unis à la FEDN ; enfin, Christian Stoffaes, bien connu aussi par ses travaux passés, qui traitera des aspects économiques.
Cet après-midi, Mme Denise Artaud, ouvrira la séance en décrivant les courants d’idées ; Denise Artaud, dont nul n’ignore la compétence, encore récemment exprimée dans le dernier numéro de la revue Défense Nationale ; puis, pour les facteurs de puissance sur lesquels les avis divergent, nous entendrons Alfredo Valladao, auquel on doit un ouvrage explicite intitulé Le XXIe siècle sera américain… Et pour finir, Mme Nicole Bernheim, déjà auteur, quant à elle, d’un livre sur L’Amérique de Clinton, nous développera les facteurs de crise.
Quelles sont, en quelques mots, les interrogations qu’on se pose à propos de l’Amérique de Clinton, mis à part les chances que celui-ci a ou non de s’imposer plus que Carter ou Bush ne l’ont finalement fait dans les domaines social, économique et dans celui de la politique interne ? Bref, que sera l’Amérique sur le plan mondial dans les années à venir ?
Encore qu’un siècle soit bien long, je serais assez tenté, pour ma part, de dire avec M. Valladao que les décennies qui viennent seront américaines. Non seulement parce qu’après avoir vaincu l’Union soviétique et le communisme les États-Unis sont la seule grande puissance, la seule sans conteste à compter et à pouvoir intervenir massivement sur une planète pour le moins troublée, mais aussi parce que depuis la guerre du Golfe, ils fascinent le monde, s’appuient tour à tour sur le libéralisme économique, les droits de l’homme, l’inquiétude latente et leur supériorité militaire pour s’imposer ; finalement ils ont remarquablement manœuvré pour empêcher l’Otan de sombrer en en faisant, via le CCNA, l’épine dorsale, de Vancouver à Vladivostok et au besoin Buenos Aires, d’une influence et d’un espoir de sécurité avec lesquels nul ne peut rivaliser. Si l’on ajoute pêle-mêle leur volonté flagrante de peser sur la Russie et de maintenir leur leadership sur l’Europe, leur volonté aussi de conserver la maîtrise, sinon le monopole, des affaires nucléaires et antibalistiques, sans parler de leur attitude spécifique vis-à-vis de l’ONU, de la CSCE, du GATT, des ventes d’armes conventionnelles ou même de l’Afrique, force est d’admettre qu’à défaut de volonté purement hégémonique, ils gardent la conviction profonde qu’ils sont seuls à pouvoir apporter des solutions aux grandes convulsions du monde.
En ont-ils les moyens, peuvent-ils le faire en agissant en fonction de leurs seuls intérêts, en oubliant — vu la taille de l’Europe et du Japon — qu’il n’y a de leadership possible que dans le consentement et la recherche de compromis collectifs ? Denise Artaud le montre dans l’article auquel je faisais allusion ; le paradoxe n’est-il pas plus ou moins que Clinton, voué par son élection à l’économie et aux considérations de politique interne, se trouve condamné, dans l’interdépendance générale, à élargir ses préoccupations aux problèmes mondiaux ? Jusqu’à quel point le fera-t-il ? C’est, me semble-t-il, ce qui en premier lieu, nous concerne. ♦